Le Jeune Officier de Georges Bouchard  

A bord d'un navire colonial provenant de France, et croisant vers une cité imprécise d'Afrique équatoriale, un jeune officier non moins anonyme se voit assigner une tâche bien singulière : procéder à la dératisation entière du bâtiment. Lors, les questions qui l'assaillent et qui déferlent dans son esprit telles des vagues furieuses, le lecteur les reçoit en partage."La lutte contre les rats avait-elle vraiment une importance capitale ?… Etait-il concevable qu'en présence d'une tâche essentielle (…) on ait fait appel (…) à un jeune officier dépourvu de toute espèce de compétence en la matière ? Etait-il possible que tous les autres officiers se fussent laissés accaparer par des besognes secondaires au point d'oublier l'essentiel ?" Acculé par tant d'incertitude, il arrive au jeune officier de gagner le pont supérieur, lieu symétriquement opposé aux souterrains ombrageux où règnent les rats. Là, bercé par le roulis du navire, le visage battu par "l'air supérieur", il peut s'abstraire, "s'abîmer (…) dans une contemplation muette" de la beauté étale de la mer.Charpenté par des interrogations successives, le roman s'apparente à une longue méditation au cours de laquelle le problème des rats s'épaissit, atteignant bientôt au tragique existentiel. Toutefois c'est à l'approche de l'équateur qu'un plan sera échafaudé : renoncer à combattre les rats de front pour les contraindre simplement à quitter le bateau à l'occasion d'une escale spéciale. En définitive c'est triomphalement que le navire arrivera à destination. Sauf que, durant la cérémonie de félicitations, tandis qu'on ravitaillait la soute en vivre, on vit sortir d'un sac de farine ouvert, "une superbe portée de petits rats".Au détour de l'anecdote et par-delà la métaphore, ce que semble pointer l'auteur, c'est l'éternelle question du Mal et de la présence insistance qu'il inflige à nos vies. Alors, sur les eaux tumultueuses de la condition humaine, c'est à une véritable équipée du sens qu'il nous convie. Et, le temps d'une escale, nous apprenons que le Mal est consubstantiel au monde, que notre croisade contre lui, jamais, ne connaîtra de port. Il s'agira toujours déjà de recommencer, à l'image de la vague ne joignant la rive mais qui, indéfiniment, se redéploie…
Renombo Ogoula

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