Où est le roman gabonais ?  

La littérature gabonaise suscite toujours d'embarrassantes interrogations : "Existe-t-elle vraiment ?", "Quels sont ses auteurs ?" - silences embarrassés… Même la petite minorité de Gabonais ne doutant pas de la "réalité" de sa littérature la connaît mal.Pour certains spécialistes, le premier livre gabonais à vocation romanesque est le récit autobiographique de 58 pages de Robert Zotoumbat, Histoire d'un enfant trouvé, qui paraît en 1971 chez Clé à Yaoundé. Pour d'autres ce serait plutôt Elonga (Editaf, Paris) d'Angèle Ntyugwétondo Rawiri, qui paraît en 1980.On n'arrive finalement à ne recenser qu'une vingtaine de titres, dont cinq de Maurice Okoumba Nkoghé. Le chef-d'œuvre est sans conteste Au bout du silence (Hatier, 1985) de Laurent Owondo, primé en 87 par la Fondation L.S. Senghor. Derrière ce beau livre, traduit en plusieurs langues, en passe de devenir un classique de la littérature africaine, s'imposent Parole de vivant (L'Harmattan, 1989) d'Auguste Moussirou Mouyama et Les Matitis (Sépia, 1992) de Hubert Freddy Ndong Mbeng.Le boom culturel qui a suivi se retrouve peu dans le roman. Premières lectures (97) de Justine Mintsa, est un livre pour enfants de 12 à 15 ans. Dans La vocation de dignité (Ndzé, 1997) de Jean Divassa Nyama et Le Chemin de la mémoire (L'Harmattan, 98) de Maurice Okoumba Nkoghé, on discerne mal le questionnement des auteurs. Le Bourbier (97) d'Armel Nguimbi tente-t-il de "définir" et l'homme et l'univers gabonais ? Le jeune officier (Multipress, Libreville, 99) de l'enseignant de philosophie Georges Bouchard apparaît avant tout comme un produit du "village planétaire culturel" qui "signifie" l'auteur comme un être dépourvu du masque identificateur, à défaut d'être identitaire.La littérature gabonaise ne devrait-elle pas s'interroger sur la qualité de l'écrivain ? N'aurait-il pour vocation que de suivre les chemins tracés par de dignes prédécesseurs habités, pour la plupart, par le seul souci de rapporter sans artifice la mémoire du terroir ? L'écrivain gabonais semble marqué par un vitiligo intellectuel susceptible, à tort, de passer pour du métissage culturel. Même la déliquescence avérée ou supposée du pays, à la fois plurielle et multidimensionnelle, ne peut expliquer son échec dans la mission qui est la sienne : tenter d'appréhender l'impréhendable, de visualiser l'invisualisable, de signifier même l'insignifiable. En un mot revenir à la question qui habite tout artiste, tout homme de réflexion : "pourquoi le monde, pourquoi ce monde ?"Sans doute alors le recueil de nouvelles L'Enfant des masques (L'Harmattan, Ndzé, 99) de Ludovic Obiang et Histoire d'Awu (Gallimard, 2000), troisième ouvrage de Justine Mintsa, arrivent-ils à point nommé pour touiller la sauce magnifiquement apprêtée par Laurent Owondo.
Magloire Ambourhouët-Bigmann

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