Mon droit de réponse à MBA ABESSOLO, Falsificateur de l'histoire  

En 1946, Léon Mba rentre au Gabon où il est triomphalement accueilli par ses amis. S’il ne réintègre pas ses fonctions de chef de canton, il obtient toutefois un poste important dans la maison de commerce anglaise John Holt. Cette même année, il fonde le Comité mixte gabonais (CMG), un parti politique proche du Rassemblement démocratique africain (RDA), le parti interafricain de Félix Houphouët-Boigny. Jouant sur son passé d’ancien exilé, et grâce au réseau du Bwiti, il parvient à rassembler autour de lui les Fangs du sud ainsi que certains Myènè. Son but est alors de conquérir les postes administratifs et judiciaires indigènes.

Fort de son succès à Libreville, il aspire, un certain moment, à devenir le chef supérieur de la région comme l’avait réclamé la majorité des notables fangs lors du congrès des chefs de l’ethnie à Mitzic en 1947. Mais il se heurte au refus des autorités coloniales. Bien que le CMG ne soit nullement doctrinaire mais juste opportuniste, Léon Mba, à cause de ses relations avec le RDA affilié au PCF, fait figure de communiste et de propagandiste dans la colonie ; ces soupçons sont confirmés pour les autorités lorsqu’il participe en 1949 au congrès du RDA à Abidjan.

En 1951, en même temps que le RDA rompt avec les communistes, Léon Mba, tout en gardant chez son électorat son image de « révolté », se rapproche de l’administration française . Mais cette dernière soutient déjà son principal opposant, le député Jean-Hilaire Aubame qui n’est autre que le fils nourricier de son demi-frère et son ancien protégé. Aux élections législatives du 17 juin 1951, il ne recueille que 11% des suffrages exprimés tandis que Aubame est réélu. Aux élections territoriales de mars 1952, l’Union démocratique et sociale gabonaise (UDSG) d’Aubame remporte 14 des 24 sièges contre deux pour le CMG qui reçoit cependant 57% des suffrages exprimés à Libreville.

Isolé à l’Assemblée territoriale, il s’allie avec les colons privés représentés à l’Assemblée. Il quitte également le CMG pour rejoindre le Bloc démocratique gabonais (BDG) de Paul Gondjout, dont il compte prendre la direction. Aux élections législatives du 2 janvier 1956, Léon Mba obtient cette fois-ci 36% des suffrages contre 47% pour Aubame. Même s’il n’est pas élu, il devient le leader autochtone du territoire, et certaines personnalités du UDSG passent de son côté. Aux élections municipales de 1956 où les listes présentées sont au collège unique (Africains et Européens confondus), Léon Mba reçoit le soutien des colons et remporte la mairie de Libreville avec 65,5% des suffrages ; il devient ainsi, le 23 novembre, le premier maire de la capitale.

Aux élections territoriales de mars 1957, le BDG arrive une nouvelle fois second, avec 16 sièges sur 40 contre 18 pour l’UDSG. Suite à des retournements douteux, le parti de Mba obtient 21 sièges contre 19 pour celui d’Aubame. Mais, faute de majorité absolue, les deux partis sont contraints de présenter, le 21 mai 1957, une liste commune pour l’élection du gouvernement qui se fait au détriment d’Aubame. Le même jour, Léon Mba est nommé vice-président du Conseil du gouvernement. Rapidement, des dissensions apparaissent au sein du gouvernement qui poussent Aubame à faire démissionner ses partisans du gouvernement et à déposer une motion de censure contre le gouvernement. La motion est repoussée par 21 voix contre 19. Face à cette victoire de Mba, de nombreux élus UDSG passent dans la majorité parlementaire, donnant au gouvernement 29 députés sur 40. Bien installé aux affaires, il conforte peu à peu son pouvoir.

Après un « oui » massif au référendum sur la Communauté franco-africaine du 28 septembre 1958, le Gabon accède à l’autonomie. En décembre 1958, l’Assemblée vote sa transformation en Assemblée législative, puis promulgue le 19 février 1959 la constitution de la République du Gabon. Le 27 février, Léon Mba est nommé Premier ministre. Pourtant en novembre 1959, il se prononce ouvertement pour la départementalisation du Gabon. Jacques Foccart, le « Monsieur Afrique de l’Elysée », lui fait comprendre que cette solution est impensable. Il décide alors d’adopter le drapeau tricolore qui se serait différencié du drapeau français par l’apposition du dessin de l’arbre national, l’aucoumea. Là encore, Foccart refuse.

Dès juillet 1958, une troisième force politique tente de s’imposer au Gabon : le Parti de l’Unité nationale gabonaise (PUNGA) mené par René Sousatte et Jean-Jacques Boucavel. Après avoir appelé au « non » lors du référendum de 1958, le PUNGA organise plusieurs manifestations, soutenues par l’UDSG, afin d'obtenir l’indépendance et la tenue de nouvelles élections législatives. En mars 1960, sachant que l’indépendance est déjà donnée par la France, Mba fait interdire par le Conseil des ministres le PUNGA puisque son objectif avoué est atteint. Puis, il lance un mandat d’arrêt contre René Sousatte sous prétexte qu’il comploterait, et des perquisitions ont lieu au domicile de membres de l’UDSG, soupçonnés de complicité. Intimidés, trois députés UDSG rejoignent la majorité gouvernementale représentant désormais 32 députés sur 40.

Le 19 juin 1960, des élections législatives au scrutin de liste majoritaire à un tour sont organisées. Grâce à un découpage des circonscriptions et au nombre de sièges attribués par district, le BDG s’octroie arbitrairement 244 sièges tandis que l’UDSG n’en remporte que 77. Le 17 août, l’indépendance est proclamée. Toutefois, réaliste, le Premier ministre gabonais déclarait le 12 août :

« Ne gaspillons pas notre chance en imaginant qu’avec l’indépendance, nous détenons désormais un fétiche tout puissant qui va combler tous nos vœux. En croyant qu’avec l’indépendance tout est possible et facile, on risque de sombrer dans l’anarchie, le désordre, la misère, la famine. »

Léon Mba aspire à l’instauration d’un régime démocratique, condition nécessaire selon lui au développement et à l’attrait des investissements au Gabon. Il tente ainsi de concilier les impératifs de la démocratie et la nécessité d’une activité gouvernementale ferme et cohérente. Pourtant déjà, le régime montre des faiblesses. Un culte de la personnalité se développe progressivement autour de celui qu’on appelle désormais « le vieux » ou « le patron » ; des disques chantent ses louanges, des timbres et pagnes sont imprimés à son effigie.

En novembre 1960, une crise éclate au sein de la majorité. Prenant prétexte du remaniement ministériel sans consultation du Parlement, le président de l’Assemblée nationale Paul Gondjout, pourtant allié de Mba, dépose une motion de censure. Gondjout espère sans doute bénéficier d’un partage du pouvoir à son avantage, c’est-à-dire l’instauration d’un parlement fort et d’un Premier ministre disposant de l’exécutif. Mba, qui ne partage pas ces idées, réagit de manière répressive. Le 16 novembre, sous prétexte d’un complot, il décrète l’état d’urgence, ordonne l’internement de huit de ses adversaires au sein du BDG (dont Gondjout) et dissout le lendemain l’Assemblée nationale. Les électeurs sont appelés à voter de nouveau le 12 février 1961.

Entre-temps, le 4 décembre, il est élu au poste de secrétaire général du BDG à la place de Gondjout. Il se tourne vers l’opposition pour renforcer sa position. Il forme avec Aubame des listes d’union nationale, suffisamment équilibrées pour plaire aux électeurs bien qu'elles se fassent au détriment du leader de l'opposition. Le 12 février, elles remportent 99,75% des suffrages. Le même jour, Léon Mba est élu en tant que candidat unique à la présidence du Gabon. Pour le remercier pour son aide, Aubame est nommé ministre des Affaires étrangères à la place d'André Gustave Anguilé. En février 1961, il décrète de nouveau l’internement d’une vingtaine de personnes.

Le 21 février 1961, une nouvelle constitution est adoptée qui instaure un régime qualifié d’« hyperprésidentiel ». Le président de la république, chef du gouvernement, nomme les ministres dont il détermine librement les fonctions et qui ne sont responsables que devant lui seul. Un rapport des services secrets français résume la nouvelle situation de la façon suivante :

« Se voulant et se croyant sincèrement démocrate, au point qu’aucune accusation ne l’irrite davantage que celle d’être un dictateur, il n’en a pas moins eu de cesse qu’il n’ait fait voter une constitution lui accordant pratiquement tous les pouvoirs et réduisant le parlement au rôle d’un décor coûteux que l’on escamote même en cas de besoin. »

Bien que de 1961 à 1963, l’Union nationale permet aux deux rivaux de faire taire leurs querelles, un malaise politique naît au sein de la population, d’autant que de nombreux étudiants sont emprisonnés lors de manifestations de contestation. Par ailleurs, le président n’hésite pas à se faire justice lui-même ; il frappe, à l’aide d’une chicotte, les citoyens qui lui manquent de respect, notamment les passants qui « oublient » de le saluer.

Le 9 février 1963, le président gracie les personnalités arrêtées en novembre 1960. Le 19 février, c’est la rupture avec Aubame ; tous les ministres UDSG sont démis (soit deux ministres), à l’exception de François Meye qui se rallie à Mba. Le président explique alors que :

« L’Union nationale n’a pas à être construite, elle existe en fait.»

Ayant pour objectif d'évincer Jean-Hilaire Aubame, son ancien ministre redevenu son grand rival, il le nomme, le 25 février, président de la Cour suprême. Par la suite, sous le prétexte d’une incompatibilité de fonctions avec celles de parlementaire, Mba réclame sa démission de l’Assemblée. Aubame résout le problème en démissionnant de son poste de président de la Cour suprême, contrariant ainsi les plans de Mba. Face à des rapports tendus entre le gouvernement et l’Assemblée nationale, bien que celle-ci soit acquise à 70% par le BDG, le président gabonais la dissout le 21 janvier 1964. L’opposition annonce dès lors son refus de participer au futur scrutin qu’elle ne considère pas comme équitable.

Dans la nuit du 17 au 18 février 1964, aux environs de cinq heures du matin, 150 militaires gabonais dirigés par les lieutenants Jacques Mombo et Valère Essone, arrêtent le président Léon Mba, le président de l’Assemblée nationale Louis Bigman, et plusieurs ministres. Par la radio, les militaires annoncent au peuple gabonais le coup d’État et demandent à l’assistance technique française de ne pas s’immiscer dans l’affaire. Léon Mba est obligé de prononcer une allocution radiodiffusée où il reconnaît sa défaite :

« Le jour J est arrivé, les injustices ont dépassé la mesure, ce peuple est patient, mais sa patience a des limites… il est arrivé à bout. »

Durant ces évènements, aucun coup de feu n’est tiré. Le peuple ne réagit pas, signe selon les militaires de l’approbation du putsch. Un gouvernement provisoire est constitué, et sa présidence est offerte à son grand rival Jean-Hilaire Aubame. Il n’est composé que de personnalités politiques civiles, provenant aussi bien de l’UDSG que du BDG comme Paul Gondjout. Quant aux putschistes, ils se contentent d’assurer la sécurité civile. D’ailleurs, toute la petite armée gabonaise n’est pas intervenue dans le coup d’État ; encadrée en majorité par des officiers français, elle est restée dans ses casernes.

Des instructions sont données pour que Léon Mba soit transféré à Njolé, fief électoral de Aubame. Mais du fait de violentes pluies, le président déchu est amené à Lambaréné, à 250 kilomètres de Libreville. Le nouveau chef du gouvernement, Aubame, prend rapidement contact avec l’ambassadeur français, Paul Cousseran, afin de lui assurer que les biens des ressortissants étrangers seront protégés et éviter ainsi toute intervention militaire.

Mais à Paris, le général de Gaulle et Jacques Foccart en ont décidé autrement. En effet, Mba était un des plus fidèles alliés de la France en Afrique ; en visite en France en 1961, il avait affirmé :

« Tout Gabonais a deux patries : la France et le Gabon. »

De plus, sous son régime, les Européens jouissaient d’un traitement particulièrement amical. Les autorités françaises décident donc, en conformité avec des accords franco-gabonais signés, de rétablir le gouvernement légal. Toutefois, l’intervention ne peut être déclenchée sans une requête officielle du chef d'État gabonais. Léon Mba étant constitutionnellement « empêché », les Français font appel au vice-président gabonais, Paul Marie Yembit, qui n’avait pas été arrêté. Mais celui-ci reste introuvable ; il est donc décidé de rédiger une lettre anti-datée que Yembit signerait plus tard. Ainsi, dans la nuit du 18 au 19, les troupes françaises de Dakar et Brazzaville débarquent à Libreville et rétablissent Mba au pouvoir. Les combats ont fait un mort du côté français, et 15 à 25 du côté gabonais.

Réinstallé au pouvoir, Léon Mba refuse de considérer que le coup d’État était dirigé contre lui et son régime. Pour lui, il s’agissait d’un complot contre l’État. Rapidement pourtant, des manifestions anti-gouvernementales ont lieu avec des slogans comme « Léon Mba, président des Français ! » ou réclamant la fin de la « dictature ». Elles se solidarisent avec Aubame lorsque le 23 mars, il est inculpé. Bien que certainement innocent des préparatifs du coup d’État, ce dernier est condamné à l’issu d’un procès, à 10 ans de travaux forcés et 10 ans d’interdiction de séjour.

Malgré ces évènements, les élections législatives d’avril 1964, prévues avant le putsch, sont maintenues. L’opposition se voit privée de ses grandes figures, empêchées de participer au scrutin du fait de leur compromission dans le putsch. L’UDSG disparaît de la course électorale et l’opposition n’est composée que de partis sans envergure nationale, défendant la démocratie ou des intérêts régionaux. Cette dernière remporte toutefois, dans un scrutin de liste majoritaire à un tour, 46% des suffrages et 16 sièges sur 47, tandis que le BDG reçoit 54% des suffrages et 31 sièges.

Léon Mba ne se remit jamais du putsch. Ses amis français n’ont de cesse alors de l’entourer, le protéger, le conseiller. Une garde présidentielle, véritable troupe d’élite, est formée par un ancien barbouze français, Bob Maloubier, et cofinancée par les groupes pétroliers français. Ces derniers, installés dans le pays depuis 1957, avaient renforcé leurs intérêts en 1962 après la découverte et l'exploitation des premiers gisements off shore. Le Gabon devint une pièce majeure dans l'approvisionnement pétrolier de la France. Leur influence est telle que le PDG de l'Union générale des pétroles (devenu en 1967 ELF Aquitaine), Pierre Guillaumat, prit part à la décision de l’intervention militaire. D’ailleurs, le pétrolier gaulliste, Guy Ponsaillé, est nommé, par la suite, conseiller politique du président et devient le représentant des entreprises françaises auprès de Mba. Mais le président gabonais a peur ; il reste cloitré dans son palais présidentiel surprotégé. Ponsaillé parvient à le modérer dans ses décisions et le convainc de l’accompagner dans les provinces du pays afin de restaurer son image auprès des Gabonais.


Quant aux ambassadeurs français Cousseran et américain Darlington, soupçonnés de sympathie envers Aubame, ils quittent peu de temps après les évènements le Gabon. Le nouvel ambassadeur français est François Simon de Quirielle, un « diplomate traditionnel », bien décidé à ne pas interférer dans les affaires intérieures gabonaises. Au bout de quelques mois de malentendus, Léon Mba contacte Foccart pour lui dire qu’il ne supporte plus cet ambassadeur :

« Vous vous rendez compte, explose le président gabonais, je reçois de Quirielle pour faire un tour d’horizon avec lui. Je lui demande ce qu’il pense de tel ministre [gabonais], de telle question qui est à l’ordre du jour [de la politique intérieure du Gabon]. Devinez ce qu’il me réplique! Monsieur le président, je suis désolé, les fonctions que j’occupe m’interdisent d’intervenir comme vous me le demandez dans les affaires de votre pays. »

À la suite de cet incident, Foccart fait nommer à Libreville, « un colonialiste », Maurice Delauney, qui s’installe tel un véritable haut-commissaire.

Dès 1965, les Français cherchent un successeur à Léon Mba, vieillissant et malade. Ils le trouvent en la personne de Albert-Bernard Bongo, jeune chef de cabinet du président. Ce dernier est personnellement « testé » par le général de Gaulle en 1965, lors d’une visite à l’Élysée. Confirmé comme successeur, Bongo est nommé le 24 septembre 1965 ministre délégué à la présidence, mais occupe dans les faits les fonctions d’un Premier ministre. En août 1966, Mba est hospitalisé à Paris et ne retourne plus au Gabon. Malgré son incapacité à gouverner, le président s’accroche au pouvoir ; ce n’est qu’après de longues insistances de Foccart, que Mba accepte, le 14 novembre 1966, de nommer Bongo vice-président à la place de Yembit, par un message radiotélévisé, enregistré dans sa chambre de l’hôpital Claude-Bernard à Paris. Une réforme constitutionnelle en février 1967 légitime le dauphin. Les préparatifs de la succession sont finalisés par des élections législatives et présidentielles anticipées, organisées le 19 mars 1967. Aucun opposant n’ose se présenter, Léon Mba est réélu avec 99,90% des suffrages tandis que le BDG remporte tous les sièges de l’Assemblée. Après s’être déplacé tant bien que mal à l’ambassade du Gabon afin de jurer sur la constitution, Mba décède le 28 novembre 1967 à l’hôpital, des suites de son cancer. Albert-Bernard Bongo lui succède constitutionnellement à la présidence.

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