Culture générale  

Connaissez-vous l'origine de ces expressions ?

Joe a "casser sa pipe" .
Il semblerait que cette expression vienne du 1er empire durant les guerres Napoléoniennes.Sur les champs de bataille de l'époque, les médecins militaires (majors) ne disposaient pas du matériel nécessaire pour anesthésier le soldat avant de l'amputer. Pour résoudre ce problème, on avait trouvé une bien maigre solution. Il s'agissait de donner une pipe en terre cuite au patient qu'il place entre ses dents, pour éviter que ce dernier ne crie. Dans le cas où le médecin échouait lors de l'opération et que le soldat succombait, il lâchait alors la pipe qu'il tenait entre ses mâchoires, et celle-ci tombait en se brisant. Ce serait de la que naquit l'expression "casser sa pipe".


Mba à "retourné sa veste".

Retourner sa veste signifie changer radicalement d'opinion, de camp pour son propre profit.

L'expression vient de l'expression plus ancienne: tourner sa casaque. Elle trouve son origine dans un fait historique: Charles-Emmanuel de Savoie, Prince de Piémont et gendre de Phillippe II d'Espagne, était particulièrement ambitieux. Voulant être roi, il s'alliait indifféremment avec la France ou l'Espagne en fonction des circonstances. Sa casaque - un justaucorps à larges manches-, blanche d'un côté et rouge de l'autre, portait les couleurs de chaque nation. Il lui suffisait alors de porter le blanc pour la France et le rouge pour L' Espagne en "tournant sa casaque". Il semblerait que ce geste fut remarqué et donna naissance à l'expression "tourner casaque" pour désigner le fait de changer d'opinion, de camp avec une grande facilité et de manière intéressée. Cette expression a connu un joli succès puisqu'elle se dit encore couramment de nos jours même si de temps en temps elle est adaptée à notre mode vestimentaire actuelle et apparaît alors sous la forme: "retourner sa veste". Notons cependant que le fait de "tourner sa casaque" n'est pas toujours profitable à l'image de Charles-Emmanuel de Savoie qui mourut duc de Savoie et non roi.

Poudre aux yeux »

Apparences flatteuses, mais trompeuses.La poudre est ici la poussière, pas la poudre à canon ou celle de l'apothicaire.Cette expression existe au moins depuis le XIIe siècle.Elle signifiait auparavant "L'emporter sur quelqu'un", probablement par allusion à la poussière que soulève un coureur (à pied, à cheval...) en tête et qui gêne ceux qui le suivent.Maintenant, avec son sens "d'éblouir par de fausses apparences", elle se rapporte plus à l'aveuglement que procurerait la poussière dans les yeux.

« L'habit ne fait pas le moine »
L'apparence peut être trompeuse.Ce qui peut aussi se dire :Il faut s'abstenir de ne juger les gens qu'à leur apparence.Proverbe dont on trouve les premières traces au XIIIe siècle et qui serait tiré du latin médiéval.Selon certains, ce proverbe viendrait d'une déformation progressive de la traduction de l'expression latine de Plutarque 'barba non facit philosophum' qui signifiait 'la barbe ne fait pas le philosophe'.D'autres disent qu'il aurait pour origine un fait historique : en 1297, pour réussir à s'emparer par la ruse de la forteresse bâtie sur le rocher monégasque, François Grimaldi et ses compagnons d'armes se sont déguisés en moines franciscains, fait rappelé sur les armoiries de Monaco ().Enfin, peut-être faut-il simplement voir une certaine ironie dans cette expression.En effet, lorsqu'elle est apparue, les moines de l'époque étaient bien loin de suivre leurs préceptes. N'hésitant pas à accumuler des biens, à ripailler, à courir la gueuse ou à trucider à tout-va dans les batailles, ils avaient un comportement très éloigné de celui que leur tenue aurait pu laisser supposer.Ainsi, un brigand désireux de détrousser un moine en le supposant faible, pouvait tomber sur bien plus fort et rusé que lui.

« Joindre les deux bouts »
S'emploie en général négativement : avoir du mal à joindre les deux bouts.Avec la connotation financière initiale, signifie avoir du mal à faire tenir les besoins dans le budget disponible ou à tenir jusqu'au début du mois suivant avec le salaire qu'on vient juste de toucher.Utilisé plus généralement, signifie aussi avoir du mal à faire face à une accumulation importante de tâches.Métaphore ancienne sur la 'soudure' entre la récolte d'une année dont le produit devait durer suffisamment pour tenir jusqu'à la récolte suivante.A la fin du XVIIIe siècle, selon le dictionnaire de l'Académie, un homme qui subsistait difficilement "avait du mal à joindre les deux bouts de l'année".


Toucher du bois
Le sens de cette expression est explicite. Ce geste est supposé empêcher que des bâtons viennent se mettre dans les roues des projets de celui qui y participe ou lui permettre d'exaucer ses voeux de santé, de gain au Loto...

L'origine de l'expression est en soi assez ancienne (Perse ou Egypte), et reste intimement liée à la religion des peuples concernés :
- Toucher du bois revenait à se mettre sous la protection de Atar, génie du feu des Perses (leur religion est le mazdéisme).
- Pour les Egyptiens, le bois possédait une sorte de magnétisme bénéfique. Le toucher vous plaçait alors sous la protection de cette énergie protectrice.
- Plus proche de nous, l'expression était très employée par les Chrétiens en souvenir de la crucifixion du Christ sur la Croix (en bois).
Toucher du bois revenait alors à faire une sorte de prière afin de se placer sous sa protection et de se protéger de l'adversité. Par ailleurs, les Celtes attachaient un grand pouvoir mystique et spirituel aux arbres.

« Casser sa pipe »Mourir.

L'origine exacte de cette expression n'est pas véritablement connue.Elle est employée avec ce sens depuis la fin du XVIIe siècle.Elle semble apparaître pour la première fois dans les Mazarinades en 1649 où elle est utilisée au sens d'enrager (crever de rage).
Des personnes ne connaissant pas la présence de l'expression dans les Mazarinades ont essayé d'en placer l'origine postérieurement à leur date de parution.Voici deux des 'explications' proposées :- Sur les champs de batailles des guerres napoléoniennes, les chirurgiens n'ayant pas d'anesthésiant pour opérer, plaçaient une pipe en terre cuite entre les dents du patient pour qu'il la morde au lieu de crier. Le soldat qui succombait au cours de l'opération laissait tomber sa pipe par terre où elle se cassait.- Au théâtre, un acteur qui interprétait souvent le rôle de Jean Bart dans une pièce de boulevard, avait toujours une pipe en bouche sur scène pour interpréter ce personnage. Un jour, au cours d'une réprésentation, la pipe est tombée, s'est brisée et l'acteur s'est affaissé, mort.A vous de choisir celle qui vous plaît le plus, en sachant qu'aucune des deux n'est la bonne.

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Dakar contre Libreville  

Le rap, une parole urbaine


La ville qui tend à une certaine uniformisation des comportements s’offre aussi comme un lieu de distinctions sociales. Pluriculturelle, plurisociale et plurilingue, elle permet la pluralité des appartenances de groupe des individus de même que la variabilité de leurs positionnements sociaux et de leurs identités. Parole urbaine, la chanson rap se présente comme un espace particulier où sont en œuvre des processus identitaires complexes concernant les jeunes Africains francophones citadins. Elle s’avère l’une des formes d’expression de la jeunesse urbaine qui révèle et influence les caractéristiques et les dynamiques de la situation socio-linguistique dans laquelle elle s’inscrit.
Cet article traite des processus identitaires en jeu dans la chanson rap sénégalaise et gabonaise, au travers de l’étude de certains aspects du contact de langues et des phénomènes linguistiques conséquents ainsi que de la variation des langues en présence dans la chanson dakaroise, saint-louisienne (Sénégal) et librevilloise (Gabon). La recherche, dont ces résultats sont issus, étudie la chanson rap du point de vue de son ancrage socioculturel ainsi que de ses caractéristiques sémantiques et formelles et cherche à en dégager les spécificités. Elle considère le rap comme un espace de circulation, d’appropriation et de production des modèles comportementaux urbains divers qui sont à la base de processus identitaires urbains.

Le rap et la ville


Le rap, né aux États-Unis dans les années 1970, s’exporte en Europe puis en Afrique dans les années 1980 et devient parallèlement un objet de recherche en sciences humaines. En sociolinguistique, en sociologie, en ethnologie ou en musicologie notamment, on cherche sa signification dans son rapport à l’urbanité. On le considère comme une expression artistique de cultures et d’identités nées de et dans la ville. Les questions abordées par cet article font partie de celles que pose la sociolinguistique dite « urbaine », à savoir celles des dynamiques sociolinguistiques en cours, des langues parlées, de leur variation et de la gestion des pratiques dans la ville plurilingue dans leur rapport au facteur urbain. Dans cette perspective, la ville n’est pas seulement considérée comme un terrain de recherche, mais aussi comme un objet entretenant des relations de cause à effet avec les représentations et les pratiques linguistiques de ses habitants. Comme le rappelle L. Mondada (2000 : 73), elle est désormais considérée comme « un univers organisé, produisant ses propres vernaculaires, ses formes spécifiques et systématiques, ses registres identitaires ; comme un laboratoire où s’expérimentent formes d’intégration, de mise en réseau, mais aussi de ségrégation des locuteurs et de communautés linguistiques hétérogènes ». Néanmoins, concernant la langue, et bien d’autres faits sociaux, de nombreux travaux de sociolinguistique, à la suite de ceux de W. Labov (1976, 1978), ont montré que si les représentations et pratiques linguistiques sont conditionnées par la société, elles participent en retour aux structurations de celle-ci. Leurs rapports de cause à effet avec la ville ne peuvent donc se concevoir de façon unilatérale.
L. Mondada (2000) remarque que les études des linguistes sur la ville ont paradoxalement ignoré certaines des caractéristiques fondamentales de la ville : sa pluriculturalité, son plurilinguisme et leurs conséquences sur le plan des comportements urbains. Ces données n’auraient réellement été prises en compte que par les travaux réalisés sur la ville africaine. Elle souligne que les phénomènes mis au jour par ces études, tels que l’usage de code-mixtes (« franc-sango », « camfranglais », etc.), leurs conditions d’émergence et d’usage ainsi que leurs valeurs ne sont pas des spécificités africaines, mais traversent l’espace urbain international. En situation plurilingue, telle que celle de la ville africaine francophone, le locuteur construit et joue de ses identités dans un contexte pluriculturel et plurilingue qui intègre non seulement des modèles comportementaux endogènes, mais aussi des modèles exogènes. Ces modèles et les possibilités de les exploiter lui sont offerts dans le cadre des communications qu’il établit avec d’autres locuteurs à l’intérieur de réseaux sociaux qui se définissent au-delà des limites de la communication directe, par l’intermédiaire des médias, d’instances culturelles et éducatives par exemple.

Quelques éléments des situations sociolinguistiques des villes :Dakar, Saint-Louis et Libreville


Les villes considérées sont socio-économiquement et démographiquement des villes principales (Dakar, Libreville) ou secondaires (Saint-Louis) du Sénégal ou du Gabon, des pôles de migrations définitives ou provisoires. Libreville, en particulier, accueille un nombre important de migrants extérieurs qui proviennent essentiellement de pays d’Afrique centrale ou de l’Ouest. Dakar et Saint-Louis comptent une trentaine de langues locales, Libreville une quarantaine, réparties en une dizaine de groupes linguistiques , ainsi que de nombreuses langues de migration.
Le français est la seule langue officielle de chacun des pays considérés. Il occupe la fonction de langue véhiculaire au détriment des langues locales qui n’ont aucun statut juridico-officiel. Au Sénégal, cette fonction est occupée par le wolof, langue nationale, de même que cinq autres langues locales. Au Gabon ou au Sénégal le français est soumis à la fois à une norme exogène, représentée par le français standard de la métropole, et à des normes endogènes. La notion de « français standard » est ici entendue au sens de variété de langue reconnue comme un idéal de langue et considérée, à ce titre, comme une norme de référence. Le français standard au Gabon ou au Sénégal est exonormique : seule la norme exogène que représente ce français est reconnue comme légitime. L’influence qu’exercent sur le français la norme exogène, représentée par le français standard de la métropole, et les normes endogènes aboutit à une production de variétés de français présentant plus ou moins d’écarts par rapport au français standard sur les plans syntaxique, morphologique, lexical, phonologique et sémantique.
Au Sénégal, l’usage du français fait le plus souvent place au wolof dans les situations informelles et dans le cadre de la communication interethnique urbaine quotidienne, mais, à Libreville, il est couramment employé dans les mêmes circontances. Le wolof, dit « wolof urbain », est le résultat de la véhicularisation du wolof en milieu urbain suivie de sa revernacularisation conséquente de son usage dans les situations les plus diverses de la vie citadine. Il se présente selon des structures variables accueillant des éléments français et anglais plus ou moins nombreux selon des procédés divers (alternance, emprunts établis ou spontanés, etc.) (Thiam 1994). Les travaux sur le wolof de Dakar (ibid. ; Dreyfus 1995 ; Swigart 1990) ou Saint-Louis (Auzanneau 1998) ont mis en évidence le fait que cette variété urbaine, de même que d’autres parlers urbains d’Afrique, est liée à la construction de l’identité urbaine sénégalaise, ou plutôt d’identités urbaines sénégalaises. Ils ont montré que la variation de la structure du wolof était relative à l’identité sociale des locuteurs (âge, catégorie sociale, niveau de scolarisation) ainsi qu’à la situation de communication. Si le fait d’intégrer des éléments français et anglais à une structure wolof est valorisant pour un jeune Sénégalais, revendiquant ainsi son identité de citadin, cette valorisation, demeure implicite. En outre, s’il est bon, face à ses pairs, de s’octroyer par l’emploi de cette variété les valeurs positives dont elle est porteuse (liées à la modernité, à la culture, au développement, à un certain mode de vie), tel n’est pas le cas face à ses pères. Ce comportement serait alors considéré comme irrespectueux car relâché, relatif à des valeurs étrangères impliquant nécessairement le « déracinement » des individus et rejetées par la société traditionnelle.
Le français à Libreville et le wolof à Dakar ou à Saint-Louis sont perçus par les locuteurs comme des langues ethniquement neutres, néanmoins le français est considéré comme une langue étrangère au contraire du wolof qui représente pour les habitants des deux villes sénégalaises considérées « la langue de tous les Sénégalais » (Boucher 1998 ; Auzanneau 1998). Mise à part cette langue, dans les trois villes en question, les langues locales sont plutôt les langues de la sphère informelle et privée, réservées à l’usage familial ou aux échanges intra-ethniques. Elles connaissent de ce fait une variation formelle moins importante et supportent des valeurs relevant de la société traditionnelle, celle du pays, du village, du clan, etc.
Les formes les plus mélangées du wolof ou du français au Sénégal ou à Libreville sont essentiellement utilisées dans les situations d’informalité où l’on se retrouve entre membres du quartier, de la famille, du groupe des jeunes. Parmi elles, certaines pourraient remplir des fonctions plus restreintes et concerner une frange de la population entrant ainsi dans la catégorie désignée par L. Mondada (2000 : 76-77) comme celles « des nouveaux parlers urbains ». Elles y retrouveraient ces parlers de Côte-d’Ivoire, du Cameroun ou de République centrafricaine constitués d’éléments de langues diverses, remplissant des fonctions identitaires et grégaires, utilisés et compris par des jeunes, essentiellement des hommes, déscolarisés et en difficulté sociale.

Le rap, les solidarités, les identités


Dans la littérature scientifique comme dans le milieu médiatique, le rap européen ou américain est souvent associé au langage de la rue. Cette association tient aux origines et aux caractéristiques actuelles de la population concernée par le mouvement hip-hop . Né dans les rues new-yorkaises, le rap dénonce les conditions de vie des Noirs-Américains du ghetto. Plus tard, les jeunes des cités françaises, dont nombre sont issus de l’immigration, vont adhérer au mouvement et dénoncer à leur tour l’injustice sociale dont ils déclarent souffrir. Puis le rap arrive en Afrique et va connaître, dans les années 1990, l’adhésion d’une bonne partie de la jeunesse subissant les difficultés du quotidien de ces pays en voie de développement et s’attaquant à leurs causes. Rappeurs africains, européens et américains vont donc se retrouver au sein d’un mouvement désormais international pour exprimer leur position face à des problèmes concernant des situations qu’ils considèrent similaires, bien qu’étant différentes sur le plan du contexte sociopolitique. C’est en ce sens que s’exprime ce que L.-J. Calvet (1994) considère comme la première solidarité affirmée dans le rap. Cette solidarité est renforcée par la conscience qu’a une bonne partie de cette population de partager une origine commune, l’Afrique, et un vécu commun douloureux, la colonisation, l’esclavage, l’exploitation économique. La solidarité des rappeurs des trois continents et le rapport de filiation revendiquée par les Européens et les Africains vis-à-vis des Américains s’exprime par l’adoption de modèles comportementaux provenant d’outre-Atlantique : le vêtement, la danse, le verbe.
Le rap est présenté par ses acteurs comme un mouvement contestataire, né du refus de voir perdurer les injustices jusqu’ici endurées. Le rap doit s’ancrer dans les réalités sociales locales et en rendre compte. Pour ce faire, les modèles américains se trouvent investis, exploités de façon à ce que l’intégration des réalités locales y soit possible. Cette intégration, dans la chanson, doit se faire sur le plan sémantique (contenu) et formel (langues, variétés, style…). Le rap a ainsi connu en Europe et en Afrique une certaine émancipation vis-à-vis des pairs américains. C’est sur cette base que s’exprime une seconde solidarité, celle du groupe de pairs, de ceux qui partagent leurs conditions de vie (Calvet 1994 : 277). Les frontières de ce groupe de pairs sont cependant variables selon le point de référence ciblé, le quartier, le pays ou plus exactement le pays moins les classes dominantes, le continent africain, etc.
Les travaux réalisés en France ont montré que les textes de rap exprimaient ces solidarités ainsi que la quête identitaire dans laquelle se trouvaient des jeunes issus de l’immigration. Ces jeunes, selon L.-J. Calvet (ibid.), définissent leur culture, leur identité dans un espace interstitiel se trouvant entre les langues et les cultures du pays d’accueil et de leurs parents, langues et cultures qu’ils ne possèdent pas toujours ou dont ils ne possèdent pas totalement les attributs privilégiés. Pour J. Billiez (1997 : 71), les jeunes aux origines diverses cherchent à s’inventer « un nouvel espace identitaire pluriel », dont la complexité favorise l’expression de l’identité de chacun. Il s’agirait là d’un « mouvement de recomposition identitaire et culturelle » pouvant avoir lieu dans le rap. Enfin, L.-J. Calvet (1994), J. Billiez (1997) puis C. Trimaille (1999a, b), s’appuyant sur les notions de we code et they code empruntées à J. Gumperz (1982), montrent que ce mouvement s’accompagne de l’élaboration d’un « code nôtre » dont le rap est le lieu. Ce we code procédant du they code et porteur de nombreux marqueurs identitaires (Calvet 1994) s’avère le résultat d’une différenciation sociale aboutissant à la différenciation linguistique. Constitué sur la base de la pluralité et du métissage des « codes nôtres » et de « codes leurs » (Trimaille 1999b : 81), il symbolise l’identité de groupe, sa distinction par rapport au groupe majoritaire, sa prise de distance par rapport à l’idéologie dominante et son adhésion à un ensemble de valeurs propres au groupe. J. Billiez (1997 : 71) souligne que l’identité définie par les jeunes des banlieues et portée par le rap, est une « identité pluridimensionnelle en gestation, en action et en négociation ». Cette pluralité et cette évolution constante des pratiques linguistiques des locuteurs tiennent à celles de leurs besoins de communication (identitaire, cryptique, grégaire, etc.) ainsi qu’à la variabilité des identités négociées dans une interaction donnée par chaque locuteur.

Données recueillies et identification de la population enquêtée


Le recueil des données a été effectué à l’aide des techniques de l’observation participante, de l’entretien semi-directif et d’un court questionnaire écrit. L’enquête a été réalisée auprès de plus d’une vingtaine de groupes . Elle a non seulement sollicité la collaboration active des rappeurs mais aussi celle de personnes œuvrant dans le champ du rap qui ont fourni des informations essentielles sur l’univers du rap de chaque ville considérée : 163 chansons (81 gabonaises, 82 sénégalaises) issues du répertoire de 19 groupes (9 sénégalais, 10 gabonais) ont été recueillies.
En Afrique comme en Europe (Androustopoulos & Scholz 1999) ou aux États-Unis (Boucher 1998), le mouvement rap a progressivement connu une diversification de sa population d’un point de vue ethnique et d’un point de vue social. Il touche davantage les classes moyennes ainsi, en tant qu’auditeurs, que les classes supérieures. En règle générale, les rappeurs sénégalais et gabonais appartiennent aux catégories sociales moyennes et surtout basses, classes qui regroupent la majeure partie de la population de leur pays. Ils ne se situent donc pas à la périphérie de la société d’un point de vue socio-économique. Néanmoins, ils se déclarent eux-mêmes en marge de la société dominante et subissent une marginalisation symbolique d’une bonne partie de cette population et d’une façon générale de la population adulte, notamment âgée, qui stigmatise leur comportement.
La majeure partie des membres des groupes que j’ai rencontrés et ceux qui ont participé à l’enquête est scolarisée (dans le secondaire et dans une moindre mesure, dans le supérieur). Les autres sont salariés (essentiellement les managers) ou ont été déscolarisés au niveau collège ou lycée. Il s’agit majoritairement de garçons âgés de 17 à 28 ans, les plus âgés occupant généralement, dans le groupe, des fonctions d’encadrement. Tous sont nés et résident dans les pays considérés, la majorité dans les villes étudiées ou à leur périphérie. L’ensemble des ethnies présentes à Libreville, à Dakar ou à Saint-Louis n’est pas représenté par ces informateurs.

Des identités plurielles


Comme tous les sujets sociaux, les membres de groupes de rap s’insèrent dans des réseaux sociaux différents. Ces réseaux dépendent des deux solidarités définies plus haut, l’une sur le plan mondial, l’autre sur le plan des groupes de pairs.
Selon les circonstances des interactions auxquelles ils participent, et en fonction de leurs objectifs, ils choisissent de mettre au premier plan l’une des facettes de leur identité plutôt qu’une autre, à l’intérieur de la chanson comme à l’extérieur. À l’instar de J. Billiez (1997, 1998), je considère la chanson rap comme un espace privilégié de stratégies identitaires, puisque les choix sont opérés pendant la phase de composition qui précède l’interprétation publique directe ou indirecte. Le travail sur la forme et le contenu de la chanson donne donc lieu à des productions intentionnelles. Cependant, concernant les groupes enquêtés, l’intention me semble devoir être relativisée. En effet, d’une part il dépend des habitudes comportementales des auteurs, et d’autre part, il peut être le résultat de modifications plus ou moins spontanées réalisées au cours des prestations. Les choix des langues sous leurs différentes formes, dans le cadre d’alternances, d’emprunts, de mélanges de langues, et donc les négociations identitaires effectuées par les auteurs, doivent non seulement être analysés du point de vue des objectifs de la création mais aussi de facteurs pluriels agissant à l’extérieur comme à l’intérieur de la chanson.

Une situation de communication complexe


La chanson rap est destinée à un public large. Selon leur objet, les chansons peuvent néanmoins viser un public particulier. Le public est essentiellement jeune. La chanson lui parvient sous la forme orale et musicale, par l’intermédiaire des cassettes, CD ou des prestations publiques. La version écrite n’est réservée qu’à des usages restreints (protection des textes, etc.). Dans la majorité des cas, les rappeurs ne disposent pas à l’écrit de la dernière version de leurs textes mais, dans le meilleur des cas, d’une version initiale, ayant subi des modifications au fur et à mesure de l’exploitation de la chanson. Ces modifications, qui peuvent dépendre de la composition musicale, sont simplement mémorisées par les auteurs.
Cette communication orale se trouve généralement différée, excepté dans le cadre de prestations publiques où la chanson prend une dimension interactive réelle (exemple : freestyle, sollicitation du public). Dans la chanson, le destinataire de l’interprète est pluriel ou singulier (rappeur du groupe, public, personne dont il parle) et la communication qui s’établit avec lui est directe (dialogue, interpellations) ou indirecte (discours rapporté). La chanson présente ainsi une ou plusieurs interactions en représentation. Avec F. Casolari (1999 : 75), je considérerai la chanson rap comme le lieu de mises en scène énonciatives. Une mise en scène énonciative est « la façon dont les différents groupes investissent les sociotypes véhiculés par le genre, sur la manière dont ils les habitent et leur donnent du sens, sur la façon qu’ils ont de se positionner par rapport à eux. Les sociotypes sont “des représentations, portraits, images valorisées et dévalorisées de soi et de l’autre” et se construisent dans l’interaction ». Plusieurs sociotypes récurrents se référant à l’univers du rappeur sont ainsi investis par les chansons rap étudiées, à savoir notamment le rappeur, les autres rappeurs, le pouvoir, le Blanc, le sujet social gabonais ou sénégalais.

Thèmes des chansons et répertoire linguistique


Les thèmes des chansons sont les thèmes génériques du genre rap investis par les réalités locales (Trimaille 1999a, b ; Boucher 1998 ; Androustopoulos & Scholz 1999). Dans la plupart des cas, plusieurs thèmes majeurs se côtoient dans une chanson : l’autoprésentation et la scène, la fête et le divertissement (« le groove »), les relations amoureuses, les fléaux (sida, drogue…), la critique sociopolitique, la description de la misère sociale africaine, la culture et la tradition, la réflexion intérieure, la biographie personnelle, l’hommage à une personne ou à une ville, la morale et la religion, le mystique. Leur fréquence ou leur poids dans le répertoire d’un groupe varie avec les réalités différentes des villes considérées.
Les langues des chansons du corpus sont le français et l’anglais (sous des formes plus ou moins standard) ainsi que le wolof, le poular, le sérère en ce qui concerne le répertoire sénégalais, et le fang, le téké, le punu, pour celui de Libreville. Les langues les plus fréquentes sont le français, ou encore, au Sénégal, le wolof, puis l’alternance du français avec une autre langue (au Gabon, le fang ou l’anglais, au Sénégal, le wolof), ou celle du wolof avec l’anglais. Seuls le français, le fang, le wolof et l’anglais peuvent être utilisés dans un cadre monolingue. Les autres langues sont alternées avec une autre langue et en particulier avec le français ou le wolof. Les chansons monolingues en français ou, au Sénégal, en wolof, existent dans le répertoire de chaque groupe enquêté. Les chansons monolingues en langue locale non véhiculaire sont le fait de 5 groupes sur 19 dont 4 librevillois. Les chansons monolingues en anglais sont le fait de 2 groupes, l’un dakarois, l’autre saint-louisien.
Le français, seul ou alterné, est donc la langue la plus présente dans le répertoire global étudié. Tout comme dans la situation sociolinguistique générale, le français est cependant plus employé dans le répertoire des Librevillois que dans ceux des Sénégalais où le wolof prédomine, seul ou en alternance. L’anglais n’est jamais utilisé seul dans les chansons librevilloises. Il l’est, dans une faible mesure, dans les chansons sénégalaises où il se trouve cependant davantage en alternance avec le wolof. L’anglais coexiste peu avec le français dans la chanson sénégalaise, tandis que dans la chanson librevilloise cette alternance représente l’un des choix langagiers majeurs. En revanche, l’anglais n’est qu’exceptionnellement alterné avec les vernaculaires locaux. Le wolof est employé seul ou en alternance, avec toutes les langues présentes dans le répertoire, dans des combinaisons bilingues ou trilingues. Les vernaculaires locaux ne sont jamais employés seuls, hormis le fang. Ils sont utilisés en alternance avec d’autres vernaculaires ou avec le français. Le téké et surtout le fang sont bien représentés dans le répertoire librevillois du fait du positionnement idéologique et de stratégies identitaires de certains groupes et du poids de leur répertoire dans le corpus. Mis à part ces langues, la part des vernaculaires locaux dans les chansons reste faible. Les langues véhiculaires sont donc les plus fréquemment utilisées dans le rap comme au quotidien.

Alternances codiques, emprunts, mélanges codiqueset néologismes dans la chanson


Les alternances codiques

Les alternances codiques pratiquées sont inter-phrastiques, extra-phrastiques ou intra-phrastiques (Poplack 1988) et relèvent des deux catégories définies par J. Billiez (1998) : les macro-alternances et les micro-alternances. Elles se présentent ainsi de différentes façons au sein du répertoire de chansons ou au sein d’une chanson .
Elles peuvent avoir lieu :
– au sein du répertoire d’un groupe d’une chanson à une autre, comme par exemple, le répertoire de Lliazz, une jeune rappeuse, solo librevilloise, de l’ethnie fang, qui est composé de chansons en français et en fang ou celui des Wagueubleu (lieu bondé de monde), de la banlieue dakaroise, qui comporte des chansons en wolof, en français et en anglais ;
– au sein du titre de la chanson ou du corps du texte comme pour le groupe BBS, de Saint-Louis, dont le titre de la chanson en français est daan sa dole (gagner sa vie), ou le groupe Bad Klan, de Libreville, dont le titre de la chanson en anglais est New Competition ;
– dans le titre, dans lequel le groupe Rapadio utilise le wolof et l’anglais Tewal Real Hip-Hop (« représente » : wolof ; « le vrai Hip-Hop » : anglais), parfois avec jeu sur l’écrit et l’oral, comme un titre des Siya Po’ossi X, out retombe, écrit et prononcé [utrtõb] « outre-tombe » ;
– d’un segment à un autre de la chanson : l’alternance codique consiste ici en l’insertion dans la chanson de segments plus ou moins nombreux et plus ou moins longs de langues différentes (exemple : refrain, couplet, phrase, etc.), chantés soit par des rappeurs différents, soit par le même rappeur :
• soit chaque rappeur chante dans une langue : ce cas est fréquent dans le groupe librevillois Siya Po’ossi X (La terre à abattre), ses membres, fang et téké, composant chacun une partie du texte dans sa langue (chanson Kesse me (Regarde-moi)) ;
• soit un même rappeur chante en plusieurs langues : professeur T., de Libreville, pratique fréquemment l’alternance anglais-français ; il passe, par exemple, du français à l’anglais à l’intérieur d’un couplet d’une chanson intitulée Zion :
« Il n’y a avait pas de sorcier, sans ça je n’aurais pas pris ma douche ce soir.
Il y avait juste un peu de pressés, trop de babyloniens dans la place,

Les emprunts lexicaux


Les chansons présentent un bon nombre d’emprunts lexicaux s’intégrant dans une structure monolingue, généralement française, wolof ou moins, souvent anglaise ou fang, téké. Les emprunts relevés sont, selon la catégorisation effectuée par J. Hamers (1997 : 137-138), de type « emprunt de langue » ou « emprunt de parole de compétence ». Ces emprunts sont souvent intégrés partiellement ou totalement au système de la langue emprunteuse. Le groupe siya Po’ossi X, dans une chanson en fang et téké, Ngoman (le pouvoir, fang) emprunte des termes français « Bé politiques ba dang fop » (« Les politiques parlent trop »).
Ces alternances ou ces emprunts concernent essentiellement des unités provenant de registres différents, plus ou moins standard, du français, de l’anglais ou du wolof.
L’alternance de registres se produit en effet :
– dans un cadre exolingue, comme le groupe Siya Po’ossi X qui alterne le fang avec un registre anglais grossier, dans le cadre d’un discours injurieux : Baigue wenteck. (Écoute mon wenteck), suck my dick.
– ou endolingue, comme Nanette, jeune rappeuse librevilloise solo, qui chante exclusivement en français et pratique couramment l’alternance endolingue, comme dans cette chanson intitulée Sound System Love Story :
« Laisse moi t’envahir par la beauté de ce tempo
Ho M16 est un pro (M16, nom d’un autre rappeur)
Laisse toi bercer par ma sound system love story
j’excelle dans la compo
[…] j’introduis mon refrain version trainarde, non-chalente, roulée […]
par le son de mon ceaumor
par la vérité je te mords
je kif désormais tous les textes bien faits. »
for a long time my baby, I need you for a long time […] ».
Le groupe Alif alterne quelques segments en français dans la chanson en wolof L’An 2000 :« L’an 2000 Dakar sera comme Paris, lina coye ségue dafa bari (“la façon dont les gens le disent c’est trop”).

Les néologismes


Enfin, les rappeurs utilisent des néologismes qu’ils puisent soit dans les pratiques courantes des jeunes, soit dans des lexiques qu’ils créent à des fins identitaires. Ces néologismes sont surtout employés dans des chansons en langue véhiculaire, mais parfois aussi dans des chansons en vernaculaire local. Le groupe Siya Po’ossi X, dans la chanson wenteck à base fang et téké, alterne des termes provenant du français populaire de libreville (bizma, flic ; boisse, « pétasse ») et du wenteck (farangoume, invention, mensonge) : Ke wa yeme « farangoume » ? (sais-tu ce que c’est qu’un « farangoume » ? (« invention, mensonge »)).
ka wa yeme « bizma » ? (sais-tu ce que c’est qu’un « bizma » (« flic »)).
ka wa yeme bê « boisse » ma as ? (et la signification de « boisse » (« pétasse »)).

L’usage des vernaculaires locaux : deux options


Deux types de répertoires de chansons, différents à Libreville et à Dakar, se distinguent dans le corpus, reflétant chaque fois deux options langagières. Il s’agit, à Libreville des répertoires n’intégrant que les langues de communication internationale : le français et l’anglais et de ceux qui intègrent aussi les langues locales. Il s’agit, au Sénégal, des répertoires n’intégrant que les langues de communication internationale et le véhiculaire local, le wolof, et de ceux qui ajoutent à ces langues des vernaculaires locaux. L’alternative est d’employer ou non des langues de communication restreinte dont certaines se voient attribuer par les locuteurs une forte valeur identitaire, ethnique ou non.
Le choix des vernaculaires est en premier lieu un choix de compétence ou encore un choix reflétant certaines habitudes linguistiques familiales. Il est alors la conséquence des pratiques extérieures au rap. Les rappeurs déclarent parfois regretter cette absence de maîtrise de la langue de leurs parents. Exceptionnellement, la pratique du rap peut mener à un réapprentissage ou à un perfectionnement de la langue d’origine. Au Sénégal, l’alternative est moins radicale qu’à Libreville : il ne s’agit pas seulement de choisir entre une langue perçue comme étrangère, le français, et une langue locale, mais aussi entre des langues sénégalaises, l’une véhiculaire, les autres vernaculaires. En effet, nous savons que si le wolof a perdu, pour les locuteurs, sa valeur ethnique, il est considéré par les Dakarois et les Saint-Louisiens comme la langue sénégalaise qui appartient à tous les Sénégalais. Il n’offre cependant pas l’audience internationale qu’offrent le français et l’anglais, employés eux aussi dans tous les répertoires.
Lorsque les auteurs ont la compétence des langues vernaculaires, le choix de ces langues répond alors à deux logiques :
– Une logique identitaire : elle conduit les auteurs à affirmer leurs identités locales et en particulier leur identité nationale en préférant les langues locales vernaculaires ou véhiculaires, ou en leur accordant une place notable dans le répertoire. Cette logique identitaire se joue sur un double plan pour les rappeurs sénégalais qui peuvent choisir d’user de la langue véhiculaire fonctionnant comme emblème de la nation, ou le vernaculaire qui fonctionne comme celui du groupe ethnique. Tel est le cas des Ndiafa Ngara ou des Tim Timol, groupes sénégalais, qui emploient, respectivement, en plus du français, de l’anglais et du wolof, le sérère ou le poular.
DC. Skomb, du groupe librevillois Raaboon explique : « Nous appartenons à la société gabonaise, nous voulons valoriser notre culture, nous nous sentons obligés de prouver cela à travers le rap ethnique. Dans plusieurs groupes, aucun rap ne se fait totalement en français, pas dans tout le répertoire. Tous les rappeurs ont conscience de la nécessité de marquer notre sigle identitaire dans cette musique du rap, c’est un souci de qualité. »
– Une logique commerciale : il s’agit d’utiliser le français, voire l’anglais, exlusivement, davantage, ou au moins autant que les langues locales, et en particulier des vernaculaires, pour s’adresser à un public international et d’inscrire ses productions dans une perspective carriériste. Encha’a, rappeur gabonais, déclare : « Ce ne sont pas les Fang qui vont me payer mon disque. »
Afin de montrer leur volonté de ne pas renier leur identité culturelle, les auteurs des chansons ou des répertoires monolingues utilisent parfois un français intégrant de nombreux marqueurs de cette identité. Ces marqueurs sont notamment d’ordre phonétique (r roulé, prosodie) ou lexical ou encore, et actuellement de plus en plus, de signes musicaux (musique, rythmes, usage d’instruments traditionnels) fonctionnant comme autant de signes d’appartenance à la communauté africaine, gabonaise ou sénégalaise. L’usage de ces signes est variable, il dépend de leur pertinence dans le cadre d’une chanson donnée. Les rappeurs varient d’une chanson à une autre ou à l’intérieur d’une même chanson entre les formes standard et les formes non standard du français, de même qu’entre les formes des autres langues. Enfin, quand les auteurs emploient les langues locales, ils les emploient souvent en alternance avec le français. Le wolof peut néanmoins être très prédominant dans le répertoire des groupes sénégalais, en particulier des Saint-Louisiens.

Fonctions et valeurs des « métissages »


Les mélanges de langues sont particulièrement significatifs du point de vue des stratégies linguistiques des auteurs. Nous avons vu qu’ils concernent essentiellement les langues véhiculaires, en particulier le wolof, et s’accompagnent souvent de l’usage d’un lexique composite et concernant le français et l’anglais, non standard.
L’examen de l’ensemble des chansons a montré que, à Libreville et au Sénégal, les énoncés métissés (alternances codiques, emprunts, etc.) sont particulièrement présents dans le cadre des chansons traitant de l’auto-représentation du rappeur et de la scène, de la misère sociale, de la critique socio-économique de l’amour, des fléaux et de la réflexion intérieure. Ils sont par ailleurs particulièrement prisés lorsque le locuteur se vante, lorsque le discours s’adresse directement à l’auditeur, ou encore lorsque l’auteur attaque verbalement et humilie symboliquement le destinataire.
Quelles que soient ces langues, le mélange est, tout au moins explicitement, stigmatisé, illustrant la perte de la culture et des valeurs traditionnelles, pour certains, en même temps que de la langue. Il supporte cependant, auprès des jeunes, certaines valeurs positives, se présentant comme un compromis entre deux langues et deux cultures, entre l’adhésion à des valeurs occidentales et traditionnelles, fonctionnant comme un marqueur d’identité urbaine pour des locuteurs plus ou moins jeunes. Mais ces valeurs demeurent implicites. La valorisation de ces formes métissées ou, selon les termes de J. Billiez (1998), le « renversement du stigmate », concernant ces formes, a lieu dans le rap. Il tient globalement au fait que ces variétés symbolisent les solidarités qui s’expriment dans le rap à la fois sur les plans international et national et l’adhésion aux valeurs qui sont liées au rap. Cependant, du fait de la valorisation implicite du mélange, ce renversement n’a lieu que sur le plan explicite. De plus, il n’est le fait que de la jeune génération. Le stigmate semble demeurer à l’extérieur du rap et des réseaux de jeunes.
Enfin, le mélange des langues vernaculaires et des autres langues semble ne pas faire partie des pratiques. S’agit-il d’un évitement dû à la valeur négative du mélange, peut-être encore plus forte concernant les langues vernaculaires ? Il se pourrait que ce jugement négatif soit dû à un sentiment d’incompatibilité des valeurs des langues et donc à celui de leur impossible coexistence dans un même énoncé. Il pourrait aussi être la conséquence de la faiblesse de l’usage et des fonctions restreintes de ces langues.
Les énoncés caractérisés par le métissage ou les procédés de relexifications remplissent une fonction cryptique et identitaire pour leurs usagers et permettent aux groupes de marquer leurs différences par rapport à la société dominante ainsi que sa solidarité interne. Adressées à un large public pour qui elles peuvent poser un problème de compréhension, elles remplissent alors, plutôt qu’une fonction cryptique, une fonction ostentatoire servant la fonction identitaire et la prise de parole des jeunes. Les rappeurs utilisent ainsi une stratégie qui leur permet, non pas de se fermer à la communication, mais au contraire d’aller vers elle. Il s’agit d’utiliser ce we code pour affirmer son identité de jeune en révolte et de provoquer l’attention des auditeurs afin de prendre la parole. Nanette, rappeuse librevilloise, explique : « Lorsqu’une pirogue va dans un sens alors que toutes les pirogues vont dans l’autre, tu ne peux pas faire autrement que de la remarquer. » DC. Skomb, rappeur librevillois du groupe Raaboon, précise : « Le rap est une musique choquante pour tous ceux qui refusent d’ouvrir les yeux. »
Les auteurs cherchent ainsi à provoquer l’échange avec un public large, avec lequel ils souhaitent s’allier ou dont ils veulent attirer l’attention. Mais ils tiennent à conserver dans cet échange leur identité de jeunes en marge de la société dominante et souhaitent que cette démarche de communication soit aussi le fait de ce public qui les rejette. La signification de certaines formes de ce we code sera donc offerte par le texte (traduction, contexte), mais d’autres nécessiteront de la part des auditeurs un effort de compréhension. Il s’avère donc que les jeunes rappeurs se positionnent comme des membres de la société à part entière et sont désireux de participer à sa construction plutôt que de s’en exclure. L’usage du they code, qui serait ici une variété de français ou de wolof épuré, selon la logique présentée ci-dessus, n’apparaît pas toujours aux rappeurs comme la meilleure façon d’entrer en communication avec les membres de la société extérieure, voire opposée, au mouvement rap. Malgré cela, si les auteurs des chansons occupent parfois certains positionnements sociaux et emploient des stratégies favorisant l’usage de parlers cryptés, ceux-ci ne prédominent pas dans la chanson rap du fait des enjeux de cette dernière ainsi que des identités revendiquées par les jeunes.
Comme en France et aux États-Unis, le rap au Sénégal et au Gabon s’avère bien un lieu d’expression des identités et d’une culture particulière aux jeunes urbains. Cette culture, caractérisée par le pluriculturalisme et le pluriethnicisme, pourrait être considérée comme « interstitielle » au sens défini par L.-J. Calvet (1994), mais concerne des réalités différentes de celles de la situation française. Cette culture s’élabore, en effet, à partir de la rencontre entre des cultures différentes, la culture occidentale et la culture africaine plus traditionnelle. Néanmoins, d’une part, les jeunes ont pris conscience du processus d’appropriation qui préside à l’usage des éléments provenant de cultures occidentales, d’autre part, ils ont plutôt le sentiment d’appartenir à la société africaine ou aux groupes ethniques dont ils sont issus et avec lesquels ils sont en contact. Par ailleurs, la rencontre des cultures n’appartient pas en propre à leur réseau, elle se fait dans la ville, cette ville africaine récente, qui connaît une évolution rapide et qui a remis en cause les modèles d’organisation du village et même ceux caractérisant la ville naissante, divisée en quartiers ethniques. La rencontre des cultures, la recomposition culturelle, l’émergence d’identités nouvelles, sont les faits de la ville tout entière tournée vers le « développement ».
Dans ce contexte général de gestation d’identités urbaines, les jeunes rappeurs créent leurs propres modèles, afin de marquer leurs positionnements contestataires, ou pour certains, d’entrer dans l’air du temps. Ils n’en appartiennent pas moins à des réseaux différents, ceux de la famille, du clan ou du quartier dont ils s’estiment aussi les porte-parole qu’ils « représentent », de même qu’ils représentent la communauté des rappeurs, et dont ils portent l’identité. Ces identités à disposition du rappeur sont actualisées en fonction de leur pertinence vis-à-vis des données des interactions en représentation de la chanson. Les auteurs entrent alors dans des négociations identitaires en faisant des choix linguistiques qui symbolisent les relations sociales qu’ils entretiennent dans et par la chanson et les positionnements sociaux qu’ils occupent à un moment ou à un autre. En fonction de ces derniers l’un des codes à sa disposition recevra la valeur de « code nôtre » ou de « code leur ».
En effet, en situation plurilingue l’opposition « code nôtre »/« code leur » se joue à plusieurs niveaux :
– une langue vernaculaire, « code nôtre », s’oppose aux autres langues vernaculaires, au véhiculaire local et aux autres langues de grande communication dont la langue officielle, « codes leurs » (exemple : sérère/poular, wolof, français, anglais) ;
– une variété linguistique issue de la vernacularisation de la langue véhiculaire, « code nôtre », s’oppose au véhiculaire et aux vernaculaires locaux, ainsi qu’à une langue de communication internationale, « codes leurs » (ex : variété de français ou de wolof des rappeurs/autres formes de wolof et de français, anglais) ;
– une langue véhiculaire, « code nôtre », s’oppose aux vernaculaires locaux, à la langue officielle, à une autre langue de grande communication, « codes leurs » (exemple : wolof/vernaculaires, français, anglais).
La limite d’attribution de la valeur de « code notre » semble atteinte avec le français normé. En effet, pour que cette variété de langue soit considérée comme « code nôtre » elle devrait s’opposer aux autres langues et variétés linguistiques, à savoir les vernaculaires, les variétés issues de la vernacularisation des véhiculaires ou encore les langues étrangères. Or, ni les enjeux du rap ni l’identité des rappeurs ne favorisent la négociation de l’identité impliquée par le positionnement social qui serait ainsi adopté. Si les rappeurs emploient le français normé cela ne paraît en aucun cas lié à la revendication d’une appartenance à la classe dominante ou à la population française qu’il symbolise. Il s’agit plutôt d’employer ce code pour ses valeurs fonctionnelles, pour son adaptation à certains sujets formels ou encore pour s’octroyer certaines des valeurs positives qui lui permettront d’être en position de force ou d’égalité dans le cadre de certains échanges.
En dehors de cette variété linguistique, les autres variétés peuvent donc, selon l’interaction en question, et parce que le locuteur en aura la compétence, recevoir la valeur de « code nôtre » ou de « code leur ». Tout dépend de l’identité sociale de l’auteur, mais aussi de l’identité affirmée ou négociée par l’auteur à un moment donné de l’interaction, donc de son positionnement social. Dans les textes, de même que dans la vie quotidienne, un grand nombre d’options, de choix linguistiques possibles, correspondent à une situation donnée (Gumperz 1982). L’interprétation des choix doit donc se faire dans son contexte verbal et socioculturel, compte tenu des caractéristiques des interactants, de leurs représentations et de leurs pratiques, des données dynamiques des interactions. Ces interactions relèvent de la représentation publique, des mises en scène énonciatives et de la vie quotidienne.
L’analyse de la chanson rap relève d’une problématique urbaine. Elle rend compte des dynamiques sociolinguistiques en cours dans la ville en s’en faisant le lieu de reproduction et de production. Elle montre comment le facteur urbain et le rap lui-même en tant qu’espace social, agissent à la fois sur la forme, les fonctions et les valeurs des langues. Elle participe à la compréhension de la ville en étant traversée de réseaux sociaux intra- et inter- nationaux communiquants. Si les différentes disciplines s’intéressant au rap sont amenées à chercher les informations nécessaires à leurs analyses dans le champ pluridisciplinaire, il serait souhaitable que cette pluridisciplinarité se développe dans le sens d’une véritable collaboration afin d’éclairer au mieux cet objet commun sous ses différentes facettes.

Laboratoire de sociolinguistique, Université Paris-V-René Descartes.
Michelle Auzanneau, Identités africaines : le rap comme lieu d’expression, Cahiers d'études africaines, 163-164, 2001 http://etudesafricaines.revues.org/document117.html
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Bourbier d'Armel NGuimbi Bissielou  

L’œuvre d’Armel NGUIMBI BISSIELOU retrace l’échec du voyage de MOUKAGNI dû au bourbier dans lequel l’ensemble des voyageurs sera victime. Cette œuvre présente la situation déshonorante du réseau routier gabonais aux citoyens. Armel NGUIMBI BISSIELOU, au regard d’une telle situation prend le politique à témoin, le place devant ses responsabilités. Car, si les routes ne présentent pas un panorama reluisant, fiable, la faute incombe naturellement aux gouvernements du moins aux politiques qui utilisent de l’argent à des fins subtiles. L’auteur de Le Bourbier ne parvenant pas à trouver une autre expression pour fustiger ce désagrément, préféra parler de détournement de deniers publics, de gaspillage.Dans cette perspective, le personnage de MBA (chauffeur de la Toyota ) très embarrassé par l’état d’enlisement dans lequel se trouve les véhicules et dans le même ordre d’idées de « faire comme ses patrons ».( )en foulant au pied l’autorité judiciaire par la pratique d’un transport clandestin illicite. Ainsi dira t-il s’adressant à MOUKAGNI.
« Tu sais ces gros bonnets, c’est des rapaces. Ils ont tout pillé et ils veulent toujours l’argent. Mais moi aussi je me débrouille avec sa voiture pour gagner ma vie. Je fais ce que je veux, je m’en fous… »(p.28) Le souci d’un écrivain dans la société est de vouloir faire de celle-ci un modèle, une exemplarité. Comme on le sait, l’écrivain ou du moins l’artiste, se range toujours du coté des « malheureux qui n’ont point de bouche »qui « ne peuvent pas dire tout haut ce qu’ils pensent tout bas ». A ce titre, en choisissant la voie de la plume, il choisit du même coup, la lutte contre le bourreau, contre l’oppresseur, contre le massacreur de la chose publique et donc du politique ou du régime en place. Ce choix doit s’encrer sur la forme des mots employés dans son œuvre. Ces mots doivent porter une charge sémantique afin qu’ils touchent et vexent le pouvoir en place et dans une large mesure le lecteur. Ce sont des mots qui seront comme des pistolets chargés pour le dire avec Jean Paul SARTRE dans Situations au mieux, « ce sont des mots qui expriment à travers la langue maternelle de l’écrivain, force principale d’unité d’un pays,de la terre qu’occupe son peuple , et de l’esprit national »comme le fait entendre ALexandre SOLJENITSYNE.
Dans cet esprit, l’auteur de Le Bourbier, entend, à la manière de ses pairs, gaffer le politique gabonais, l’élite gouvernante, responsable de la situation du bourbier et donc du retard économique et politique que connaît le pays à travers l’échelle planétaire. Ainsi, loin de se ranger du côté de ceux qui « contribuent au pourrissement de la société », NGUIMBI Armel, prendra sa lire poétique et la transforme en Beretta pour tirer sur les gouvernants afin qu’ils prennent conscience de la gravité du désagrément auquel ils sont responsables. Ainsi dira t-il :
« Il y a une chose : si nous subissons le diktat de ces dirigeants en croisant les bras, nous sommes complices de ces derniers(…)Nous ne sommes nullement maudits, nous sommes responsables de ce qui nous arrive. Nous le méritons. Si nos routes sont dans cet état, c’est que nous nous en accommodons bien en faisant confiance à ceux qui les maintiennent dans cet état »(p.60-61) Aussi poursuit –il :
« Mon frère, tout va mal dans ce pays. Tout est foutu. Oui mon frère, tout est pire. Notre société souffre d’une gangrène que nos décideurs ont laissé délibérément évoluer. C’est une lèpre dont les séquelles ne disparaîtront jamais(…).Nos routes sont un cancer ; il a atteint toutes les parties vitales du corps »(p.89). De la politique à l’économie en passant par le social, le politique reste toujours le principal présumé responsable des problèmes que connaît le pays. L’homme politique gabonais ou africain d’une manière générale, révoque la raison. Ces inconduites de l’homme politique ont une conséquence sur le plan social qu’Armel NGUIMBI BISSIELOU n’hésite pas à dénoncer également.

CRITIQUE
Les problèmes sociaux ont existés, et existerons toujours tant que l’homme existera dans la société, les problèmes sociaux seront en permanence dans son vécu quotidien. De la sorte, à défaut de les voir s’accumuler, l’homme lui-même en tant qu’être qui incarne le statut de bâtisseur doit de ce fait, trouver des solutions idoines en vue de rendre sa vie agréable.L’écrivain prend de ce fait sa plume pour la mettre au service de la société afin qu’elle s’en serve nullement pour l’asservir. C’est sans nul doute cet esprit qui exprime Armel NGUIMBI BISSIELOU lorsqu’il choisit de dresser un tableau sombre des maux qui minent l’espace fictionnel Le Bourbier.Cet acte d’engagement passe en effet par un discours virulent sur « Trouville », ville natale de MOUKAGNI, personnage central du récit. En effet, « Trouville » n’est qu’une métaphore, une ville qui englobe plusieurs trous. D’ailleurs à la page 18 l’auteur ne plante t-il pas le décor de cette ville, théâtre de plusieurs maux : « A Trouville, il n y a que trop de trous maintenant. Des trous où adultes et adolescents passent pour maîtres nageurs dans les eaux de feu »(p 18). ( …) « Ces trous où l’on y entre vif et l’on en sort déboussolé ».En tenant compte de ces quelques phrases de narrateur (MOUKAGNI), nous entrevoyons en filigrane la description acerbe de Trouville. D’abord par le choix du nom : Trouville. Ensuite par cet humour noir qu’il emploi lorsqu’il parle en ces termes : « Trouville étant devenu une jungle où tout le monde se perd. C’est le colt qui fait maintenant la loi ». Nous constatons bel et bien qu’il y a de l’humour anglais car, ici c’est une forme d’ironie plaisante, souvent satirique consistant à souligner avec esprit les aspects drôles ou insolites de la réalité. Par exemple, à la page 18 lorsque Moukagni dit : « Trouville est une ville où les hommes au log couteau font leur safari ».On ne peut faire du safari qu’à des circonstances heureuses. Or, ici « faire du safari » signifierait « faire du braquage, du banditisme etc. » Tout compte fait, la lecture que le narrateur fait de Trouville, est une lecture satirique en dénonçant la pléthore des maux qui « colonisent » cette ville : pauvreté ;insécurité, alcoolisme etc. En outre, l’engagement social que l’on retrouve dans le Bourbier est un cri de cœur pour dénoncer la situation de crise que traverse le pays. D’ailleurs le titre de l’œuvre est évocateur : Le Bourbier, lieu fangeux, situation embarrassante et fâcheuse.L’auteur lui-même, n’est-il pas plus explicite lorsqu’il généralise ce bourbier dont tout le pays est en proie ? (p.112) « Bourbier Education, Bourbier Santé Bourbier Habitat Bourbier Agricole Bourbier politique Bourbier Bourbier Bourbier tu nous rends fais » Une telle lamentation poétique, ne peut laisser aucun lecteur indifférent. Prose et rime s’entremêlent pour exprimer le déchirement intérieur de l’auteur ; celui-ci dénonçant le malaise qui sévit dans tous les secteurs d’activité du pays.Toute fois, cette dénonciation, cette contestation ne peut être possible que grâce à un certain nombre d’outils, de moyens qu’il importe de relever/étudier.

Moyens de la contestation
La parole, pour certains écrivains, reste sans conteste le premier moyen de vouloir la liberté. Position d’ailleurs explicitement exprimée par Aimé Césaire dans Cahier d’un retour au pays natal à la page 40 : « […] Ma bouche sera la bouche des malheureux qui n’ont point de bouches […] ». Cette bouche à laquelle fait allusion Aimé Césaire, n’est autre que cette arme pouvant, dans une moindre mesure, lutter contre le mal ; une arme servant aussi de phare pour éclairer les âmes égarées et dispersées. C’est précisément le moyen de contestation premier dont dispose Moukagni pour parler les siens du malaise du pays : p. 97. « Mon frère ,tout va mal dans ce pays . Tout est foutu ,Oui mon frère , lui dis-je. Tout est au pire. Notre société souffre d’une gangrène que nos décideurs ont laissée délibérément évoluer. C’est une lèpre dont les séquelles ne disparaîtront jamais » Disons, pour résumer cette fougue de Moukagni que l’objectif que se fixe ici Armel NGUIMBI-BISSIELOU est d’instruire. Nous avons l’impression que par le truchement du pronom possessif « mon »(frère) ; Moukagni veut interpeller ; il y a ici ce que Genette(G) appelle la fonction de communication du langage. Donc Moukagni veut donner une information c’est pour cela qu’il insiste sur le « mon frère » .Ainsi ,Moukagni apparaît-il comme un défenseur des droits fondamentaux d’une véritable classe des opprimés . Il a pour principale arme sa voix .Au-dè-la de la parole ,il y a en outre l’écriture qui sert de moyen pour notre écrivain de contester.L’écritureA défaut de la parole, l’écriture est aussi une arme redoutable dans Le Bourbier ce qui nous intéresse particulièrement dans cette œuvre c’est la manière dont l’écriture récupère le langage.On peut affirmer sans risque de nous tromper qu’il y a refiguration du « discours de l’engagement » pour paraphraser Greimas.Rendons nous par exemple à la page 103 pour mieux cerner l’engagement Nguimbien sur le plan scriptural/scripturaire : « Ils ont sparadrapé nos bouches pour nous mettre dans le bourbier ; Ligoté notre liberté pour nous arrimer dans le bourbier ; Ils ont lessivé nos cerveaux pour nous étendre sur le bourbier ; Brisé notre élan pour nous pétrir de la boue du bourbier ; Ils ont enfin nos trésor dans l’humus helvétique pour nous enterrer dans le bourbier ;(…) »Lorsque nous analysons minitueusement ce brin de poème, il en ressort qu’il y a une anaphore sémantique qui s’est construit autour du « bourbier ».Tout ceci nous amène à éprouver le point de vue Georice Bertin MADEBE qui déclarait au sujet de l’engagement que : « Un texte engagé à une structure discursive éminemment fermé ; chapeauté par un discours référentiel servant d’argument ».En effet, dans ce mini poème d’Armel NGUIMBI BISSIELOU, il y a un terme « générique » qui est le bourbier et nous observons que tout au long du poème il y a des sous discours qui viennent corroborer, étayer, argumenter l’idée qui s’est forgée autour du bourbier.En somme, l’écriture d’Armel NGUIMBI BISSIELOU ne trahit pas la pensée, l’objectif de l’auteur qui est de rendre compte avec véhémence la gangrène d’une société.

CONCLUSION
Autrement dit, au delà de l’engagement sur le plan physique où l’écrivain prend position par rapport à un problème précis, il y a la littérature engagée où l’écrivain exprime son contentement ou son mécontentement.L’engagement, c’est aussi la défense des valeurs humaines et culturelles qui fondent une cité. Sur ce la littérature gabonaise, et partant un auteur comme Armel NGUIMBI BISSIELOU s’engage sur le plan politique, social et diégétique pour s’opposer à un système politique qui ne satisfait pas. L’engagement de cet auteur est étroitement lié à la crise économique et politique. Le fait d’écrire et de publier un livre c’est déjà s’engager. Malgré le fait que ce roman ( Le Bourbier) soit allusive c’est-à-dire fait d’un discours implicite et subtile, L’engagement s’y donne à lire.« La notion d’engagement implicite donc chez ceux qui se disent engagés(…) une prise de conscience catégorique dans le jeu des parties en présence, une participation effective à l’action, un dévouement total à la cause » affirme Bastide. C’est pourquoi le rapport entre littérature et société est fondamental pour pouvoir parler de littérature engagé.Armel NGUIMBI BISSIELOU, montre à sa manière que la littérature n’a plus le droit d’oublier cette question essentielle : à quel besoin encore aujourd’hui ? Tout écrivain doit savoir qu’il est impliqué dans ce qu’il écrit et qu’il implique aussi son lecteur. Ainsi le jeune romancier gabonais répond à une urgence, il n’a pas toujours « quelque chose à dire » mais simplement « à dire ».Source: Université Omar Bongo -Département de Littératures Africaines


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Topologie  

Traditions Orales de la Race Eviya (1969)
Les proverbes Evia et le Monde animal (Gabon) (1995)
Bodinga Bwa Bo Dinga

ENCYCLOPEDIE DU MVETT, T. I, 2002, Ed° CIREF/ICAD
ENCYCLOPEDIE DU MVETT,T. II, 2002, Ed° CIREF/ICAD
Biyogo Grégoire


Olendé, Une Epopée du Gabon, L’Harmattan, Paris, 1989, 128 p.
OKOUMBA-NKOGHE

Littérature Gabonaise, Anthologie, Paris Hatier, 1993
GOURSAUD Jean-Pierre, MARTEL F., MBA ZUE

Les Contes bapunu (1988)
Kassa Muira Romain,

Légendes et histoire des Myéné de l’Ogooué, CCF/Sépia, Libreville, 1990, 160 p.
Le pays des trois estuaires (1471-1900)
Quatre siècles de relations extérieures dans les estuaires du Muni, de la Mondah et du Gabon, CCF/Sépia, Libreville, 1990, 245 p.
Autour du Loango (XIVe-Xve siècle) :
Histoire des peuples du sud-ouest du Gabon au temps du royaume du Loango et du « Congo Français », CCF/Sépia, Libreville, 1991, 550 p.
Annie Merlet

Histoire du Gabon : des origines à l’aube du XXIe siècle, L’Harmattan, 2006, 372 p.
METEGUE N’NAHL’

Owani et le Songo : deux Jeux de Calcul Africains, 1990, 132 p.
Sagesse et initiation à Travers les Contes, Mythes et Légendes Fang, 1991, 216 p.
Afrique : la fracture scientifique/Africa : the scientific divide, Ed. Futuribles, 2007
Mve Ondo Bonaventure, né en 1951 à Mvomayop (près d’Oyem)

La tradition de la danse chez les Fang du Gabon, thèse de doctorat ès lettres, Strasbourg, 1976
Aspect de la Religion Fang, Khartala/ACCT, Paris,1983, 99 p.
Fang du Gabon – Les tambours de la tradition, Khartala, 2005, 192 p., ISBN 2-84586-483-3
Nguéma-Obam Paulin

Pratiques culturelles chez les Punu, Ed. Raponda-Walker, LibrevillePratiques culturelles au village, Ed. Raponda-Walker, Libreville, 2005, 95 p., ISBN 2-912776-56-2NZA-MATEKI

Concepts Gabonais (Essais, Poèmes), 1968
Notre Passé, 1970
Dialogue Gabonais, 1975
A la Recherche du Gabon Traditionnel (Essais, Théâtre, Poèmes), 1975
Chant du Mandolo (Poèmes), 1976
Pounah Paul Vincent

Au Pays des Ishogon simple récit de voyage, Messager du St-Esprit, 1910, rééd. Ed.Raponda-Walker, 1993, 48 p.
Les Tribus du Gabon, 1924, ré-éd.
Classiques africains, Versailles, 1993 ; 69 p.
Dictionnaire Mpongwé-Français, 1934, Ed. Raponda-Walker, 1995
Contes Gabonais, 1953, 1967, 1993, Présence africaine/Classiques africains, Versailles, 1993, 491 p., ré-éd. Raponda-Walker 2006
Dictionnaire Français-Mpongwé, 1961, Ed. Raponda-Walker, 1995
Les Plantes Utiles du Gabon, avec Roger Sillans, Lechevalier, Paris, 1961, 614 p.
Rites et Croyances des Peuples du Gabon, Présence africaine,1962, réédit. Ed. Raponda-Walker, 2005, 377 p., 3e éd. Raponda-Walker, Libreville, 2005, ISBN 2-912776-57-0
Souvenirs d’un Nonagénaire, Classiques africains, Versailles, 19933000 Proverbes, Classiques africains, Versailles, 1993, 285 p.1500
Proverbes, devises, serments, cris de guerre et devinettes du Gabon, Classiques africains, Versailles, 1993
Dictionnaire Etymologique des Noms Propres Gabonais, Classiques africains, Versailles, 1993, 214 p.
Eléments de Grammaire Gisira, Ed. Raponda-Walker, 1994
Eléments de Grammaire Fang, Ed. Raponda-Walker, 1995
Eléments de Grammaire Ghetsöghö, Ed. Raponda-Walker, 1996
Eléments de Grammaire Ebongwé, Ed. Raponda-Walker, 1997
Notes d’Histoire du Gabon suivi de Toponymie de l’Estuaire Libreville et Toponymie du Fernan-Vaz Port-Gentil,
Ed. Raponda-Walker, 1997, 368 p.
Les Langues du Gabon (titre original : Idiomes gabonais), Ed. Raponda-Walker, 1998La Mémoire du Gabon, compilation, Ed. Raponda-Walker, 1998, 248 p.150
Articles de Botanique ;
Dictionnaire Tsogo-Français en cours
Dictionnaire Français-Tsogo en coursLexique Français-Gisira en cours
La Voix de Raponda enregistrements RTG Ch I, 1960,
CDCantiques Notés Petit Catéchisme Akélé, 1904
Evangéliaire des Dimanches de l’Année en langue mpongwé, 1905
Catéchisme des Vérités Nécessaires (1908) ;
Cassette vidéo sur les Contes Gabonais – RTG Ch. 1
Raponda-Walker André

Le Mvett l’Epopée, Présence africaine, 1970Le Mvett II, 1975Le Mvett. Epopée fang, Présence africaine/ACCT, 1983
Lettres gabonaises : Essais, 1975
Le Mvett, l’Homme, la Mort et l’Immortalité, 1993
Tsira Ndong Ndoutoume

Nous compléterons cette liste au fur et à mesure.

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Où est le roman gabonais ?  

La littérature gabonaise suscite toujours d'embarrassantes interrogations : "Existe-t-elle vraiment ?", "Quels sont ses auteurs ?" - silences embarrassés… Même la petite minorité de Gabonais ne doutant pas de la "réalité" de sa littérature la connaît mal.Pour certains spécialistes, le premier livre gabonais à vocation romanesque est le récit autobiographique de 58 pages de Robert Zotoumbat, Histoire d'un enfant trouvé, qui paraît en 1971 chez Clé à Yaoundé. Pour d'autres ce serait plutôt Elonga (Editaf, Paris) d'Angèle Ntyugwétondo Rawiri, qui paraît en 1980.On n'arrive finalement à ne recenser qu'une vingtaine de titres, dont cinq de Maurice Okoumba Nkoghé. Le chef-d'œuvre est sans conteste Au bout du silence (Hatier, 1985) de Laurent Owondo, primé en 87 par la Fondation L.S. Senghor. Derrière ce beau livre, traduit en plusieurs langues, en passe de devenir un classique de la littérature africaine, s'imposent Parole de vivant (L'Harmattan, 1989) d'Auguste Moussirou Mouyama et Les Matitis (Sépia, 1992) de Hubert Freddy Ndong Mbeng.Le boom culturel qui a suivi se retrouve peu dans le roman. Premières lectures (97) de Justine Mintsa, est un livre pour enfants de 12 à 15 ans. Dans La vocation de dignité (Ndzé, 1997) de Jean Divassa Nyama et Le Chemin de la mémoire (L'Harmattan, 98) de Maurice Okoumba Nkoghé, on discerne mal le questionnement des auteurs. Le Bourbier (97) d'Armel Nguimbi tente-t-il de "définir" et l'homme et l'univers gabonais ? Le jeune officier (Multipress, Libreville, 99) de l'enseignant de philosophie Georges Bouchard apparaît avant tout comme un produit du "village planétaire culturel" qui "signifie" l'auteur comme un être dépourvu du masque identificateur, à défaut d'être identitaire.La littérature gabonaise ne devrait-elle pas s'interroger sur la qualité de l'écrivain ? N'aurait-il pour vocation que de suivre les chemins tracés par de dignes prédécesseurs habités, pour la plupart, par le seul souci de rapporter sans artifice la mémoire du terroir ? L'écrivain gabonais semble marqué par un vitiligo intellectuel susceptible, à tort, de passer pour du métissage culturel. Même la déliquescence avérée ou supposée du pays, à la fois plurielle et multidimensionnelle, ne peut expliquer son échec dans la mission qui est la sienne : tenter d'appréhender l'impréhendable, de visualiser l'invisualisable, de signifier même l'insignifiable. En un mot revenir à la question qui habite tout artiste, tout homme de réflexion : "pourquoi le monde, pourquoi ce monde ?"Sans doute alors le recueil de nouvelles L'Enfant des masques (L'Harmattan, Ndzé, 99) de Ludovic Obiang et Histoire d'Awu (Gallimard, 2000), troisième ouvrage de Justine Mintsa, arrivent-ils à point nommé pour touiller la sauce magnifiquement apprêtée par Laurent Owondo.
Magloire Ambourhouët-Bigmann

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Les lieux de la culture à Libreville  

Si les restaurants et les discothèques abondent à Libreville, force est de constater que la culture proprement dite hérite d'une part congrue. Il y a bien sûr le Centre Ibuliga, une initiative d'Helmut Musthinga Boulingui qui n'en est encore qu'au stade embryonnaire ainsi que le Centre Culturel Concorde au quartier Glass qui dépend de la mairie du 4ème arrondissement. On peut également compter les Jardins de la Peyrie qui, au moment de la Fête des Cultures (une fois par an au moment de la Pentecôte), deviennent un lieu central. Mais le seul véritable centre d'attraction demeure le Centre Culturel Français St-Exupéry (CCF) qui offre un large éventail d'activités (cinéma, théâtre, bibliothèque, exposition d'arts, conférences, etc.) dans un cadre approprié.
Alain-Claude Bilié-By-Nzé

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Le Jeune Officier de Georges Bouchard  

A bord d'un navire colonial provenant de France, et croisant vers une cité imprécise d'Afrique équatoriale, un jeune officier non moins anonyme se voit assigner une tâche bien singulière : procéder à la dératisation entière du bâtiment. Lors, les questions qui l'assaillent et qui déferlent dans son esprit telles des vagues furieuses, le lecteur les reçoit en partage."La lutte contre les rats avait-elle vraiment une importance capitale ?… Etait-il concevable qu'en présence d'une tâche essentielle (…) on ait fait appel (…) à un jeune officier dépourvu de toute espèce de compétence en la matière ? Etait-il possible que tous les autres officiers se fussent laissés accaparer par des besognes secondaires au point d'oublier l'essentiel ?" Acculé par tant d'incertitude, il arrive au jeune officier de gagner le pont supérieur, lieu symétriquement opposé aux souterrains ombrageux où règnent les rats. Là, bercé par le roulis du navire, le visage battu par "l'air supérieur", il peut s'abstraire, "s'abîmer (…) dans une contemplation muette" de la beauté étale de la mer.Charpenté par des interrogations successives, le roman s'apparente à une longue méditation au cours de laquelle le problème des rats s'épaissit, atteignant bientôt au tragique existentiel. Toutefois c'est à l'approche de l'équateur qu'un plan sera échafaudé : renoncer à combattre les rats de front pour les contraindre simplement à quitter le bateau à l'occasion d'une escale spéciale. En définitive c'est triomphalement que le navire arrivera à destination. Sauf que, durant la cérémonie de félicitations, tandis qu'on ravitaillait la soute en vivre, on vit sortir d'un sac de farine ouvert, "une superbe portée de petits rats".Au détour de l'anecdote et par-delà la métaphore, ce que semble pointer l'auteur, c'est l'éternelle question du Mal et de la présence insistance qu'il inflige à nos vies. Alors, sur les eaux tumultueuses de la condition humaine, c'est à une véritable équipée du sens qu'il nous convie. Et, le temps d'une escale, nous apprenons que le Mal est consubstantiel au monde, que notre croisade contre lui, jamais, ne connaîtra de port. Il s'agira toujours déjà de recommencer, à l'image de la vague ne joignant la rive mais qui, indéfiniment, se redéploie…
Renombo Ogoula

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L'Enfant des Masques de Ludovic Obiang  

De Senghor à Laye Camara, en passant par Hampâté Bâ et, jusqu'au dernier Dongala, la littérature africaine thématise le royaume de l'enfance. La littérature gabonaise participe à l'invention de ce geste rétrospectif confinant à l'autobiographie. Ainsi de son texte inaugural : Histoire d'un enfant trouvé. Mais si ce roman, à l'instar de ceux d'Okoumba Nkogué, dépeignent une enfance malheureuse, il n'en est pas de même pour des auteurs comme Laurent Owondo pour qui l'enfance ne prend sens qu'à travers l'initiation. L'Enfant des Masques de Ludovic Obiang explore une voie similaire. Sur le cours sinueux de l'écriture, l'auteur remonte "les abysses du souvenir" pour arpenter de nouveau les territoires vertigineux de l'enfance. Alors déferlent sous nos yeux hallucinés, un univers merveilleux, ondoyant et chamarré, peuplé d'êtres surnaturels surgis d'une matière végétale luxuriante. L'opacité qui enrobe les choses sacrées se fissure, les distances temporelles se compriment, la mangrove susurre ; brûler "au cœur des êtres et des choses" devient à nouveau possible.A travers ces cinq nouvelles baignant dans le charme tendre de l'enfance, l'auteur nous invite à redécouvrir notre regard d'enfant - ce regard constellant toute chose d'étrangeté et qui, tel "les sentiers" qui "infiltrent la forêt", s'ouvre sempiternellement. Alors, peut-être, pourrons-nous contempler, le visage des choses…
Renombo Ogoula

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La Poésie  

La poésie est de loin le genre littéraire gabonais le mieux fourni. Bien avant les indépendances, nombreux étaient les Gabonais à produire des œuvres n'ayant rien à envier à celles de la métropole. Les poèmes de Ndouna-Dépénaud Passages, Rêves à l'aube, de Georges Rawiri Chants du Gabon sont bien connus des écoliers du Gabon.Depuis plus de trois décennies, Pierre Akéndéngué chante ses œuvres avec celles de son ami, Pierre Edgar Moudjégou (ou Magang-Ma-Buju-Wisi), auteur du Crépuscule des Silences et de Ainsi parlaient les anciens. Mais d'autres poètes marquent : Joseph Bill Mamboungou ; Odounga Pépé ; Quentin Ben Mongaryas, Okoumba Nkoghé… Hormis Edgar Moudjégou, Diata Nduma s'impose comme autre grand nom de la poésie gabonaise, véritable "maître", connu et méconnu, et toujours pas publié à ce jour, malgré la qualité de recueils comme Soleil Captif et surtout Thanatéros et Missoko.
Magloire Ambourhouët-Bigmann

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Petit dictionnaire  

BALLES, n.f.pl. Usuel, oral surtout, familier pour designer l’ argent.SYN, : bongo-CFA, caillasse, cailloux, change, choko, dolè (dolé, doles), feuilles, ifoura, kolo, mbome, mbongo, miang, pesos, pétrole, pia, rabiot, sou, tchoko, fiafio, ro, gnongnon, mille mange, les accords de Paris. AKASA, n.m. Spéc., (du mpongwé). Infusion de la racine du Strychnos icuja Linn. servant de poisond’épreuve. Mboundou ou akasa, Strychnos Icuja, poison d’épreuve, plante dont on fait boire une décoction aux personnes accusés de quelque crime pour connaître si elles sont coupables ou non. (Raponda-Walker, 1998 : 89, note 70).SYN. :bilon, mboundou / mbundu, poison d’épreuve (part.).

bâcher, v.tr. Fréq., oral, argot des jeunes urbanisés. Voler. Il a bâché et puis son père l‘a mis en ngata*. (Etudiant, Libreville, 1999).

SYN. : arracher*, macrotiser*, magner*, signer*.

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La semantique de Pierre Claver Akendengué  

L’œuvre poétique et musicale de Pierre Claver Akendengué se structure essentiellement autour de l’évocation incessante du continent africain, qui est, selon ses propres termes, un « malade alité ». Dans une discographie originale qui allie divers rythmes gabonais et occidentaux (le chant grégorien, Brel et Brassens), l’artiste nous fait entrer dans un monde où la musique ne sert pas uniquement la danse, mais conduit à réfléchir à des problèmes très sérieux. C’est une poésie chantée, genre que Paul Zumthor classifie dans la poésie orale, elle-même faisant partie de la littérature orale. C’est une facture particulière, c’est-à-dire un certain art, un faire, un ensemble de procédés de mise en forme ou de constructions qui conduisent à observer que l’« on finirait presque par oublier que absolument dans la langue de Platon, poiein, employéabsolument, peut signifier : composer de la musique et des vers».

Entre espoir et tristesse
L’œuvre procède à un état des lieux des nombreux maux qui minent le continent noir. Ce constat d’ensemble, qu’il nommera ensuite « ma maladalité d’Africain », définissait déjà, depuis Nandipojusqu’à Obakadences, la substance de sa création. En quoi nous posons que l’œuvre entière est parcourue par cette maladalité où il est toujours question d’une Afrique « incapable d’unité », de sadiaspora disséminée à la surface de la terre, du piroguier infatigable qui toujours rame vers les rives inatteignables de la liberté ou du coupeur d’okoumés aux mains gercées dont le tranchant acéré de lahache mord continuellement le bois dur. Cette œuvre plaît par le fait qu’elle a su si bien jusqu’à ce jour porter les espérances de l’ensemble du peuple noir, touchant profondément celui-ci par l’évocation poétique d’une mémoire valorisée, rendue à la vérité. Elle incite à l’espoir d’un changement fondamental, à la patience et à l’action. Elle plaît parce qu’elle a toujours su s’appuyer surl’expression des rythmes traditionnels de l’Afrique profonde que l’artiste allie parfois à des rythmes d’ailleurs.

L’un des mérites de Pierre Akendengué est d’avoir su opérer leur brassage et explorer ce que Fred Hidalgo appelle « le fleuve de l’héritage ancestral », pour le mêler avec le plus grand bonheur,et avant tout autre sur le continent africain , au cours de sa propre inspiration. Il est « l’homme qui a ouvert la voie, en France et dans l’espace francophone, à la chanson africaine moderne, à la suiteduquel sont arrivés les Touré Kunda, Mory Kanté, Salif Keïta, Papa Wemba, Alpha Blondy et autres Yousou N’Dour… ». En croire, aux dires de Claude Nougaro (qui a d’ailleurs consacré une chanson très expressive au poète gabonais, intitulée La voix d’Akendengué), ce grand artiste se trouve être « l’Africain de la chanson française » dont un « abîme sépare qualitativement ses créations et celles des générations qui lui ont succédé ». Poésie et chanson se confondent chez Pierre Akendengué et s’inscrivent dans un univers commun. Jacques Chevrier dit que la poésie est la meilleure expression de la révolte. Celle de Pierre Akendengué dépasse la dimension de la révolte, questionne le mythe et le sacré, la tradition orale et les imaginaires collectifs pour tenter d’apercevoir le sol de la débâcle génésiaque. Il y aurait, à l’origine et au-delà des drames africains, comme un contact essentiel rompu avec les origines, ici les dieux de Wirondjogo11. Ce qui expliquerait l’actuelle situation d’inquiétante étrangeté du continent noir, sa maladalité. Tel est l’intérêt du mythe politique dans son œuvre. À l’exception de certains rythmes dansants, la musique de Pierre Akendengué est traversée par des mélopées endeuillées, des pans entiers de mélancolie, des déclamations profondes de tristesse, d’angoisse et de révolte qui le conduisent à rechercher dans la structure des différents modèles de l’oralité (le conte, le bestiaire, le travail de la voix, les bruitages spécifiques dessons, le mélange des genres musicaux modernes et traditionnels,etc.), le sens des choses et la possibilité d’un avenir serein.Chez Pierre Akendengué, le poème chanté, c’est l’oralité qui mêle la dynamique des genres dans une perspective nouvelle : l’espace du dire se fait tour à tour rêve d’Afrique et de liberté, mais aussi silence, parole, chanson, cris, rires, récital, réponses, bruissements, onomatopées… bref, création totale. Le poème se surmétaphorise au cœur du langage dans lequel il communique, dans le va-et-vient incessant entre les langues gabonaise et française, produisant de fait

des images fortes et quelquefois opaques qui atteignent à desdimensions surréalisantes. À en croire certains témoignages, le Nkomi usité par le poète de Nandipo ne serait pas toujours le
Nkomi usuel, reconnaissable par les usagers de cette langue. De sorte que nous en concluons par hypothèse qu’il utiliserait un idiolecte très élaboré, poétique par cela seul, et dont l’intentionnalité profonde viserait une incommunicabilité qui n’est pas incommunication – refus de faire sens – mais bien profonde solitude, complexité, difficulté réelle de rendre au langage la charge réelle de la maladalité. C’est peut-être pourquoi l’on peut souvent entendre dans sa musique des silences brusques, des rires soudains, et d’autres marques qui symbolisent la totalité d’une expression singulière. Deux niveaux fortement symboliques dans les textes du chanteur indiquent nettement le procès de la maladalité : le personnage, rebelle et insoumis, et le mythe, pour ce qu’il signale le lieu de la perte originelle.

Le personnage du rebelle


Le personnage du rebelle Le personnage du rebelle fait partie, dans la musique
d’Akendengué, d’un système poétique global qui fonctionne dans l’ordre de son discours comme un postulat d’indocilité. Le héros qui lutte au prix de sa vie est le messie attendu du peuple. C’est Poé,c’est Maronguè, le grand sorcier, l’espoir du peuple, c’est le coupeur d’okoumés, c’est le « Je » du poète. Le héros akendenguéen ne se trahit jamais, pas plus qu’il ne trahit ceux pour qui il lutte : le peuple. Il ne se sert nullement de celui-ci pour atteindre ses petites fins égoïstes. Il ne recule pas non plus devant la menace d’une mort imminente. Il ne change pas de discours sous la pression de l’adversité, il a un seul discours, un même combat, un objectif invariable dont il ne se départit sous aucun prétexte. C’est un personnage de résistance qui s’élève jusqu’à la sainteté et qui se survit dans la mémoire collective. Le héros akendenguéen ne meurt pas, il est éternel, exemplaire, infiniment indocile comme Poé. Mon pays entre soleil et pluie et Le conte du roi Oréï et Oreï II, entre autres, montrent comment le personnage du rebelle fonctionne. Un personnage dense et étoffé, réel et mythique. Maronguè, c’est donc le symbole de toute lutte, de la soif de justice qui habite les peuples opprimés, qu’ils soient « d’ici ou d’ailleurs ». Ce personnage sculpté par l’imagination du poète rappelle entre autres Béhanzin, Lumumba, Cabral, Nyond Ma’Kit, Germain Mba, Um Nyobè, Luther King, bref, toute la résistance des peuples opprimés dont les noms rythment sa musique. Cette œuvre porte, à ce titre, une dimension fortement politique.
Le personnage du rebelle fait partie, dans la musique d’Akendengué, d’un système poétique
global. Cette œuvre porte une dimension fortement politique.

Entre mythe et sacré
La poésie d’Akendengué recherche une explication possible dans le mythe pour tenter de comprendre les origines du drame que vit l’Afrique. Ewulupupa a reçu la royauté des mains des dieux de Wirondjogo, mais les siens, les Africains, ne l’ont pas accepté comme roi. Il s’est alors replié sur sa fécondité qui a essaimé jusqu’à l’actuel pays Ngoyi dont les frontières avec le reste du monde sont délimitées de nord en sud par l’aide et la dette, les famines et les guerres tribales, d’Orient en Occident par des gouvernements de transition et des champs pétrolifères. Rejeter Ewulupupa, c’était rejeter les dieux tutélaires, c’est-à-dire se couper du sacré. Le corps de l’œuvre montre donc que l’on ne violente pas impunément le sacré. Ceci montre bien que « le mythe est une réalité culturelle extrêmement complexe, qui peut être abordée et interprétée dans des perspectives multiples et complémentaires ».

C’est dans le cadre de l’ethnotexte que s’inscrivent la récurrence des onomatopées, les divers et multiples bruissements qui parcourent ses chansons, les rires intempestifs de subversion, les cris, bref, tout un arsenal de procédés de verbalisation propres à la création, à sa création, dont l’objet sert de moyen : utiliser tous les procédés d’oralisation pour atteindre éventuellement au discours primordial, génésiaque. La poésie d’Akendengué puise sa force et son expressivité, sa profondeur et sa hauteur, son humour et son sens de la subversion dans l’ensemble de ces éléments, s’appuie sur cette dynamique d’oralisation pour donner à voir et à entendre son expérience. C’est en effet l’histoire de la perte réciproque de l’homme et de Dieu : l’homme a perdu Dieu, Nzambi, Dieu a perdu l’homme. C’est l’histoire d’une perte mutuelle qui se dit et se vit dans et par la phonè, dans la chanson. Peut-être s’agit-il de la réciprocité d’une tragédie, d’une commune souffrance, vraisemblablement identique, dont chacun porte de son côté le poids énorme du silence généré par l’absence et le manque de l’autre. C’est l’expérience mélancolique, négative, qui exclut de la cité des dieux, fait errer dans la viduité du désert de silence, « tout seul comme vaincu, habité par mille pensées », dit-il dans un de ses poèmes, tête basse sur l’inquiétant « chemin de Tando », à la recherche de Tata Ghetaabee. Car comme il le psalmodie dans Carrefour rio, des monstres « sans père ni mère » ont brutalement surgi de nulle part et se sont improvisés tout à coup « roi de notre village ». Des êtres curieux, moralement hideux, fantomatiques, des monarques fous qui se sont proclamés soudain, et sans rire, « pères de la nation », « petits timoniers », « guides suprêmes de la nation », « hommes providentiels » et autres empereurs et présidents à vie. Des ogres identifiables sinon.On ne violente pas impunément le sacré. Donner à voir et à entendre son expérience.

à leur palilalie, comme dirait Sony Labou Tansi, du moins à la seule lettre d’un alphabet déréalisant qui les dénomme de façon exclamative : « il est né O ». Ou encore ces textes poétiques qu’il a mis en chanson, qui sont de l’autre Pierre, Edgar Moundjegou Magangue, d’un art achevé et quirendent raison de son grand talent : « Le chant du coupeur d’Okoumés », « Salut aux combattants de la liberté », « Aux dieux de ce monde » ou encore « Arrête-toi un moment ». C’est bien cette proximité intellectuelle entre les deux poètes qui a conduit à plusieurs reprises Akendengué à se faire parolier de Moundjegou. La poésie de Pierre Claver Akendengué est traversée. Elle est le lieudu souvenir et du pleur, comme dans les civilisations de l’oralité, auxquelles appartient le poète. Elle scande le sol de souffrance des peuples opprimés, le texte-réceptacle qui s’écrit et se lit par la douleur. Elle est fondamentalement habitée par le personnage héroïque du rebelle. C’est le résistant messianique qui connaît le sens de l’honneur et de la vertu, un personnage lucide et révolté, prophète et visionnaire. En quoi elle est une poésie de combat, et qui porte un projet politique et humaniste. C’est que le « poète africain d’origine gabonaise » croit aux sept principes du code de Nguzo Saba l’Africain, qu’il a recueillis, dit-il, et qui sont : « Umoja, l’unité du peuple, Kuji Kagulia, la détermination, Ujima,l’unité dans le travail et dans la responsabilité collective, Ujamaa l’unité économique, Niya, le but commun, Kuumba, la créativité et Umani la foi dans ce que nous faisons. » Ce sont ces différents principes « dont l’application fera de toi un guerrier », qui permettront d’obtenir « Kwanza, les premiers fruits ». C’est cette pensée qui se donne à entendre dans l’ensemble de l’œuvre de Pierre Akendengué. Au reste, l’on peut déplorer qu’après une si longue et brillante carrière, ses textes ne soient pas transcrits et compilés dans des recueils mais se trouvent dispersés dans diverses anthologies.

Bellarmin MOUTSINGA
Département des littératures africaines
Faculté des lettres et Sciences humaines de l’université de Libreville (Gabon)

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Sur la semantique de Monsard  

Une série d’études effectue par Jean Pierre Monsard sur les grands les grands genres littéraires (théâtre, poésie, roman, essai),

Cette peinture sociale permet de saisir la condition de la femme dans le Gabon traditionnel. Awu devient la première femme d'un notable local, titulaire d'un certificat d'études primaires et maîtresse de couture ; cette jeune femme goûte peu à la polygamie de son mari, ce qui ne va pas sans heurts, ni reproches.
Le roman de Justine Mintsa est un mélange d'humour et de réalisme qui à travers le destin d'Awu, d'Obame et des autres personnages décortique avec une sincérité touchante et émouvante la condition humaine. Pour un coup d'essai, Justine Mintsa a réussi un coup de maître.

Mubwanga
Ce nouveau texte épique vient enrichir la bibliographie déjà abondante du genre dans la littérature gabonaise après Le mvet de Tsira Ndong Ntoutoume, Olende de J.P Leyimangoye, Olende d'Okoumba Nkoghé, et Mulombi de V.P Nyonda.
Mubwanga raconte l'histoire d'un héros extraordinaire, héros éponyme allant à la recherche de sa sœur Maroundou ma de Nzambi, mariée à Dybourou Kasse le monstre. Après une longue pérégrination à la quête de sa sœur, après des combats dont il sort toujours victorieux. Mubwanga ramène sa sœur au village à la grande joie de ses parents. Le texte relate de manière implicite les rapports interhumains et le fondement de la matrilinéarité chez les Punu du Sud du Gabon.Kwenzi Mickala a su rendre dans une langue simple l'oralisation du texte originel en reformulant de manière habile dans sa traduction la mise en scène du performeur de la parole, les chants, les répétitions, l'action dialoguée et les répons traditionnels.


Théâtre
Il existe de nombreuses troupes de théâtre en activité au Gabon, notamment le Théâtre Express, Nzimba Théâtre, le Théâtre de la Rencontre, le Théâtre de l'avenir.
La matérialisation du jeu
La flamme et la passion sont intactes et de nombreux jeunes (scolarisés ou non) s'y intéressent de plus en plus, mais cette passion du jeu reste cloîtrée dans les salles de répétition et ne trouve pas son expression à l'extérieur, face au public, par défaut de salles de spectacle appropriées à Libreville. Il n'y a donc pas matérialisation du jeu.
Les seules salles disponibles grand public sont : la salle de la cité de la démocratie, non adaptée pour le théâtre ; la salle Barrault du CCF St Exupéry qui elle est adaptée mais pas souvent disponible. Au collège Quaben, un tréteau est dressé qui ne répond pas non plus aux besoins de la scène. Voici le combat amer pour les férus de théâtre. Les velléités s'étiolent faute de jeu, et on se complaît à improviser dans les salles de fortune.
L'enjeu immédiat et urgent pour le théâtre reste ainsi la construction de salles de spectacle qui répondent aux exigences techniques de la scène.
La médiatisation
Voici un art qui contrairement aux autres (musique, chanson) semble être méconnu par les médias gabonais. Aucune émission n'est proposée pour initier le spectateur à la chose théâtrale, même si de temps en temps les médias ont recours à des comédiens connus pour illustrer leur réclame publicitaire.
La médiatisation du théâtre aurait l'avantage de familiariser le public au genre, mais aussi de favoriser et de créer une culture de théâtre.
Une culture de théâtre
Malgré Nyonda et ses tentatives, l'ANPAC (Agence nationale de Promotion Artistique et Culturelle), et bien qu'il y ait eu des comédiens prestigieux tels Odimbossoukou ou Dominique Douma, la magie du théâtre n'a pas de prise dans la population gabonaise ; il n'existe pas de culture de théâtre, de réflexe théâtre comme argument et élément culturel. Cette inefficience se retrouve même au plus haut niveau de l'Etat, où l'on n'a besoin du théâtre que lorsqu'il s'agit de le voir participer à des manifestations ponctuelles.
Pour palier à cette insuffisance et réconcilier l'acteur de théâtre avec son public, il convient de multiplier les manifestations, valoriser le statut de comédien de théâtre et médiatiser leurs actions.


Théâtre dans la rue
Du jamais-vu encore : le théâtre dans la rue. Le ministère de la Culture et la Coopération française, conscients de l'efficience de cet art et de la nécessité de rapprocher les gens de culture des populations, ont organisé pendant neuf mois, ce théâtre d'un type nouveau.
L'idée était généreuse et les résultats immédiats. Dans les grandes places des quartiers populaires, on montait les tréteaux et le public debout assistait aux spectacles. Ces scènes rappelaient bien entendu les veillées de nos soirées d'antan au clair de lune.
La troupe optait pour le répertoire de son choix (sketchs, imitations, pièces de théâtre, parodies, pantomimes…). Le public, ravi, participait bon enfant au spectacle : véritable contact charnel et visuel !
Depuis, l'entreprise n'a pas été renouvelée, le projet est mort de sa belle mort pour cause de trop grande lourdeur administrative et parce que ce projet est resté "la chose" du politique, mais pas la propriété des comédiens. Les troupes continuent à attendre. Wait !



Conte
Deuxième prix du contage aux jeux de la Francophonie de Madagascar en 1997, Mathias Ndembet continue son bonhomme de chemin. Il initie dans la modernité, avec le concours des médias, cet exercice culturel séculaire qui nous vient de notre oralité.
Exploitant le panel riche et diversifié de nos textes oraux (fables, contes et épopées…), Ndembet a aussi recours aux textes traduits et transcrits par des conteurs tels Raponda-Walker.
C'est l'image d'un barde nouveau, d'un troubadour qui associe musique et parole qui nous est donnée. Depuis, Mathias Ndembet partage et dit son art à l'étranger, mais aussi dans nos écoles et nos lycées. Pour le grand plaisir du public.
Dans la même veine, vient d'émerger un jeune du nom de Tsira Etougou Ndong. Il conte en langue fang et son récit Nguit Mone (le conflit) met en scène les personnages du peuple d'Engong (les immortels) contre ceux d'Oku (les mortels). Derrière ce chant épique on peut facilement lire une parabole sur la société actuelle en crise et ses travers.

Dôlè
L'action de Dôlè se situe à Libreville, à travers le destin de cinq garçons d'une quinzaine d'années (Mougler, Baby Lee, Joker, Akson et Bézingo) que la providence a bien voulu réunir dans la vie des "matitis" (on dit aussi "mapanes"), ces quartiers de survie qu'on appelle ailleurs "bidonvilles" ou "favelas".
Ici pas de dénonciation, pas d'antagonisme attendu entre riches et pauvres : le film montre ces jeunes dans leur milieu, vivant leurs rêves, leurs désirs mais également leurs frustrations dans un espace fermé qui n'est pas sans rappeler l'univers kafkaïen. Témoins des menus larcins et des plans boiteux de la petite bande, le spectateur se trouve parfois malgré lui complice du jeu des acteurs, tant leur cause est indéfendable.
Le film d'Imunga Ivanga inverse également les valeurs dans le choix des acteurs. Contrairement à la tendance observée jusqu'ici dans le cinéma gabonais, les premiers rôles sont confiés aux jeunes comédiens, qui quoique néophytes de la scène, ont su intégrer à merveille leurs personnages, tandis que les seconds rôles sont confiés aux comédiens adultes confirmés.
Ombre et lumière
Les images de Dôlè, suffisamment expressives, ne laissent pas indifférent ; prises sur le vif, dans le concret, elles donnent à voir autrement la modernité gabonaise. La caméra ne dit pas plus, mais préfère suggérer par le jeu d'ombre et de lumière, ou par de gros plan saisissants ou encore par le flux continu d'images en cascade qui disent la vie folle et trépidante des matitis. C'est le non-dit qui est amplifié. Un de ces non-dits qui offre au spectateur une grande ouverture de lecture.
La caméra d'Imunga Ivanga scrute la pensée, louvoie, s'accroche à des détails qui, en clin d'œil, formulent le mal-être des personnages à travers l'évolution de la bande à Mougler. Cette nouvelle écriture filmique toute en finesse nous sort des clichés et scénarii qui n'usaient pas du montrer/cacher. Toute cette aventure est dépeinte sur les rythmes et la musique mesurée des artistes musiciens nationaux (François N'gwa, Annie-Flore Batchiellilys, Marcel Réténo). L'accompagnement musical épouse l'émotion des personnages et des situations, prenant le spectateur dans une belle profusion de sons, de couleurs et d'émotions. A caractère sociologique, le film d'Imunga Ivanga se démarque finalement de ses prédécesseurs, par son écriture, sa sensibilité, son feeling proche du zapping et son ambiance musicale.

Rire au Gabon
La mise en scène du rire au Gabon passe par la faculté qu'ont les individus de se projeter toujours au-devant d'eux-mêmes par l'auto-dérision : c'est un trait de culture.
Enfouie aux tréfonds de leur être social, cette aptitude à la dérision éclate de plus belle sur la scène et les artistes-comédiens n'ont fait que récupérer, digérer et dévoiler cette émotion contenue par les longues années de parti unique, où il était interdit de parler et surtout de rire.
Les pionniers
La manifestation de cette éclosion du rire est élaborée dès les années coloniales par l'entremise des missionnaires. Dans les écoles primaires, de petites troupes de théâtre sont montées. Et à défaut de longs textes, on incite les élèves à jouer des sketches.
Nyonda Vincent de Paul, alors instituteur donne un cachet au genre, en faisant jouer dans des places publiques des sketches ayant pour thème les travers et les comportements sociaux (Le Saoulard 1960).
Depuis lors, l'exploitation de cette expression a pris de l'ampleur et s'est considérablement diversifiée. De la troupe de théâtre, on est passé depuis les années 1970 au one man show (c'est le cas de Dékombel) ou au duo (Défounzu et Dibakou) ; cette tendance semble être de plus en plus pratiquée et a le mérite de signaler des contours substantiels quant au fond et à la forme que l'on peut conférer au genre.
Les nouvelles tendances
La tradition comique est nettement marquée au Gabon par le comédien Dékombel (mort en avril 1986). Sur un thème précis généralement rattaché à l'actualité, le comédien brode une histoire avec l'intention manifeste de grossir les traits, de caricaturer, de persifler. Le ton est volontairement sarcastique et bouffon. La langue utilisée mêle petit nègre et expressions dialectales, et le comédien se positionne comme l'ingénu de l'histoire, le candide petit villageois analphabète qui feint de ne rien comprendre à la modernité.
Le rire est entretenu par ses différents effets contradictoires, mais surtout par l'usage burlesque d'un galimatias de la langue française et des langues nationales en usage au Gabon. Cette tendance Dékombel a été héritée par le duo Défundzu et Dibaku.
Avec "les années démocraties" et surtout avec la liberté d'expression que l'on connaît depuis les années 1990, on est passé du sketch au pastiche ou encore à l'imitation. Dans le genre, Serge Abessolo semble tirer son épingle du jeu et apporte une signature singulière. Le comique n'est plus basé sur "l'effet de la langue", mais à partir d'une histoire construite, bien menée, ayant un thème précis, le tout dit dans une langue française correcte.
Ce comique tranche avec l'école Dékombel. Il s'agit ici de susciter le rire à partir des jeux de mots, de l'usage des contresens, des calembours et parfois user de l'humour noir. Serge Abessolo innove au sens où il est est scénariste de ses propres textes et comédien. Il initie ainsi une école, et le public espère qu'il sera suivi.

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