MYTHES D’ORIGINE ET TRADITIONS HISTORIQUES KOTA  


Contrairement à d’autres mythologies africaines maintenant bien connues, la mythologie kota n’est pas très riche, du moins en récits symboliques élaborés. Il n’y a pas à notre connaissance de mythe de création. Les informateurs restent toujours très vagues au sujet de la création du monde et des hommes. Un être divin, jamais nommé ni prié aurait créé le monde tel que nous le voyons aujourd’hui avec une nature redoutable peuplée d’animaux, de monstres surnaturels et un premier homme, un premier chef de lignage appelé Zambé. Zambé est l’être primordial qui est à l’origine de tous les comportements humains bons ou mauvais, sans qu’il soit « créateur » de quoi que ce soit. II est le premier homme digne de ce nom, c’est-à-dire l’an- cêtre premier, le géniteur de tous les rameaux kota. C’est lui qui a découvert les techniques de la survie puis de la vie dans la grande forêt, techniques de chasse, de pêche, de cueillette puis de culture, de cons- truction, etc. ; enfin, c’est le grand Initiateur, dépositaire le plus anciennement connu des secrets rituels. Les hommes d’aujourd’hui se réfèrent constamment aux actions multiples de Zambé pour justifier, expli- quer ou condamner ce qui se fait dans le monde des hommes vivants. Ainsi il n’y a pas une histoire de Zambé, un mythe unique et cohérent, mais plusieurs dizaines d-historiettes rituellement moralisatrices racontant dans le détail une des circonstances de la vie du héros. On y retrouve tous les grands thèmes de l’humanité traditionnelle : le fils prodigue, le père trop sévère et injuste, l’incestueux, l’orgueilleux, la femme adultère, la fille ne voulant pas se marier, etc. Ces contes font une grande part au merveilleux et au surnaturel, les limites entre le monde des morts et des esprits et celui des vivants n’étant pas très définies, pas plus que les frontières entre le monde humain et le monde de la nature (animaux qui parlent et agissent, végétaux ensorcelés, éléments naturels personnalisés). Zambc’ est d’abord le seul humain ; il trouvera des femmes par des procédés magiques de transformation de certains animaux ou végétaux (1).
L’origine des hommes actuels remonte à Zambé, l’ancêtre primordial, de deux façons différentes suivant les clans : <
- Zambé créé tout seul dans une nature inhumaine, parvient à trouver d’abord une, puis plusieurs femmes dont il a des enfants qui par une relation incestueuse de demi-frère à demi-sœur iront fonder d’autres villages. Certains enfants ne voulant commettre l’inceste arrivent par des moyens magiques à trouver un partenaire, soit un animal mythique soit une plante ou un objet doué de qualités surnaturelles. La polyandrie est même pratiquée (la femme aux sept vagins qui doit trouver sept maris). - Zambé est quelquefois évoqué comme un couple de jumeaux primordiaux : Zambé-a-tmda (Zambé d’en haut ou Zambé de l’amont de la rivière) et Zambé-a-ntsé (Zambé d’en bas ou Zambé de l’aval de la rivière) (1).
Ces deux frères, le plus souvent ennemis ou tout au moins rivaux, ont chacun des femmes puis de nombreux enfants qui se marient entre eux (de lignage à lignage) pour fonder progressivement tout le groupe kota. L’apparition des femmes est souvent très imprécise, leur création en tant qu’être humain n’étant pas plus évoquée que la création des animaux. La femme n’est alors que le réceptacle de la semence de l’homme, elle n’est qu’un intermédiaire. C’est seulement quand elle s’apercevra que son rôle est essen- tiel qu’elle prendra cette importance rituelle qui aujourd’hui encore est tout à fait sensible. Le monde des hommes, s’il se retrouve en résumé dans la notion de Zambé, le héros civilisateur kota, n’est pas réduit à un seul être engendrant absolument tous les autres. La mythologie kota évoque toujours un monde entièrement créé avec des villages (assez peu mais dont le nombre correspond étrange- ment à l’environnement connu actuel), des activités courantes et des préoccupations morales et religieuses analogues aux croyances et comportements actuels. On constate, ainsi, des contradictions entre les diffé- rents clans, les uns se ralliant à la thèse de l’ancêtre géniteur unique (ou plutôt au symbole du géniteur unique), d’autres à celle d’une multitude de Zambé différents (représentés schématiquement par les deux Zambé, de l’amont et de l’aval), le héros n’étant en réalité qu’une représentation du premier ancêtre du clan retombé depuis longtemps dans l’oubli. A l’étude de détail des textes kota, on a fortement l’impression que le conteur (qui, bien entendu a appris la trame de ses histoires) projette dans un passé mythique (2) toute la vie réelle et actuelle du groupe afin de la sublimer et finalement de pouvoir psychologiquement l’assumer Le mythe n’est donc pas un élément de connaissance mais un moyen d’expression, une sorte de code secret servant à supporter certains actes religieux importants, et surtout une philosophie des comportements.

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